L’association entre anticorps (AC) dirigés contre le
SARS-Cov-2 et l’immunité conférée contre la Covid-19 reste mal
précisée. Or, bien connaitre les implications liées à la présence
de tels AC est essentiel afin de guider les décisions pour un
patient donné et orienter les interventions de santé publique, dont
avant tout la pratique des tests diagnostiques et la vaccination.
En pathologie virale, de fait, les relations entre AC et immunité
varient selon les virus. A titre d’exemple, les AC développés en
réponse aux coronavirus saisonniers responsables du banal rhume
n’amènent pas à une immunité durable. Les caractéristiques propres
du virus, la charge virale, les voies de pénétration et des
facteurs propres à l’hôte, tels que l’âge influent sur la réponse à
une infection virale donnée. Concernant les infections au
SARS-Cov-2, de rares cas de réinfection ont été rapportés dans la
littérature médicale, mettant en question le rôle de ces AC.
La majorité des immuno-essais de détection des AC
anti-SARS-Cov-2 est basée sur la mise en évidence de la protéine
virale de pointe, au niveau de la zone d’attache du virus. Les AC
neutralisants sont les mieux connus. Ils bloquent le virus au
niveau de cette zone de réception et sont d’un grand intérêt pour
déterminer si les AC confèrent une réelle immunité
protectrice.
Dans le travail ici rapporté, 4 points principaux ont été
abordés :
– La prévalence, les taux et la durée de vie des AC, en réponse à
une infection à SARS-Cov-2
– Les variations possibles en fonction des caractéristiques du
patient, de la sévérité de l’infection et des tests utilisés
– Le type et la durée de l’immunité acquise
– Les éventuelles conséquences inattendues du dosage de ces
AC
Revue systématique incluant 66 études
observationnelles
Dans ce but a été menée une revue systématique, d’articles de langue anglaise, issus de grandes banques de données informatiques, dont Ovid MEDLINE ALL, Elsevier Embase, Cochrane Central Register of Controled Trials…La recherche fut effectuée entre le 1er Janvier et le 5 Aout 2020, une surveillance active étant maintenue jusqu’en Décembre 2020. Tous les articles sélectionnés concernaient des adultes de 18 ans au moins, dont l’infection par SARS-Cov-2 avait été confirmée par un test RT-PCR, ayant eu, également, des tests sérologiques et suivis sur le plan clinique. 2 investigateurs ont extrait les données pertinentes et ont apprécié la qualité des publications retenues. Il ne fut pas effectué de méta analyse. Furent incluses 66 études observationnelles (n= 16 525). 4 portèrent sur la prévalence des AC dans la population, 45 sur le mode de réponse (type, taux, durée, persistance des AC) et 17 se sont intéressées à la performance diagnostique des différents essais utilisés. La taille des échantillons varia de 29 à 2 547 participants (médiane:98), de sévérité variable : 38 % des sujets étaient d’origine chinoise, 33 % d’origine européenne et 18 % provenaient des USA. 50 % des études furent effectuées en milieu hospitalier, 23 % en externe et le reste fut mixte. La majorité évalua la prévalence ou le taux d’AC dans les 28 jours de la symptomatologie clinique ou le diagnostic posé par RT-PCR. La mesure des IgG et des IgM fut le plus fréquemment pratiquée, moins fréquemment celle des IgA et des AC neutralisants.
Les IgM détectables dès le 7ème jour et les IgG à partir du 12ème jour post infection
A partir de 21 études (n= 6 073, allant de 32 à 1 850
participants), il apparut que la plupart des adultes infectés par
SARS-Cov-2, avec confirmation par RT-PCR, développèrent des AC de
type IgM aux alentours du 20ème jour après le début des
symptômes ou le diagnostic biologique. Les IgM sont, de fait, les
premiers AC décelables, dès le 7ème jour et commencent à
décliner au 27ème jour. Concernant les IgG,
approximativement 95 % des patients infectés développèrent ce type
d’AC (24 études, n= 9 136, allant de 32 à 247, dosage effectué vers
le 25ème jour). Les IgG sont détectables dès le
12ème jour, légèrement plus tardivement que les IGM,
leur pic se situant vers le 25ème jour et la baisse de
leur taux pouvant débuter vers le 60ème jour. La
prévalence des AC IgA est un peu plus faible, de l’ordre de 83 % en
moyenne (78 à 89 %). Comme pour les IgG, ils restent décelables
plusieurs mois après le début de l’infection.
8 études observationnelles et de cohorte (n= 979, 29 à 567
participants) ont montré que la grande majorité des malades
développait des AC neutralisants. Leur cinétique est variable selon
les publications. Il semble que l’activité neutralisante est bien
corrélée avec la présence des IgG dirigées contre la protéine de
pointe du virus ou la région du récepteur cellulaire mais on doit
signaler que les travaux portant sur les AC neutralisants ont été
peu nombreux et effectués à des périodes diverses de l’infection à
SARS-Cov-2.
Un âge avancé et une forme plus grave de la maladie semblent être associés à des taux plus élevés d’anticorps
Il n’existe que de faibles corrélations entre réponse en AC et
différents paramètres cliniques mais un âge avancé, une sévérité
plus grande de la maladie, la présence de symptômes cliniques plus
marqués lors de la phase aiguée semblent être associés à des taux
plus élevés d’AC. Une étude islandaise de séroprévalence ayant
porté sur 489 patients guéris du Covid-19, effectuée après environ
un mois, a retrouvé des résultats négatifs de recherche d’ AC chez
19 des participants, soit 4 %. Pareillement, un travail américain a
fait état d’ un taux de séronégativité de 6 % dans les 14 à 90
jours après le début, taux fonction essentiellement de l’intensité
de l’ infection car ces résultats négatifs ont été observés chez 19
% des patients asymptomatiques (n= 308) mais chez aucun patient
hospitalisé (n=79) de la cohorte analysée.
La question de la réinfection reste très peu investiguée
Peu d’études ont porté sur l’association entre AC et immunité,
et notamment sur la possibilité d’une nouvelle infection. Certes,
une publication chinoise fait état, en autre, d’une réinfection
chez un malade convalescent chez qui les AC, tant IgG que IgM
s’étaient révélés indétectables, 4 semaines après sa sortie de
l’hôpital. Mais, dans l’ensemble, la présence d’AC est associée à
une immunité protectrice et à un risque moindre de
réinfections.
En résumé, la plupart des adultes infectés par le SARS-Cov-2
développent des AC de type IgM et IgG. Le pic d’IgM survient vers
le 20ème jour, puis décline. Celui d’IgG débute vers le
25ème jour pour rester décelable durant au moins 120
jours. Avec un niveau de preuves fort, il apparait également que
l’activité des AC neutralisants peut persister plusieurs mois et
qu’un âge avancé ou une sévérité plus grande de l’infection sont
associés à des taux plus élevés en AC.
Des limites à relever
Les limites des travaux ici rapportés sont multiples. La plupart
ont eu un effectif faible, ont concerné des patients hospitalisés,
ont été principalement effectués en Chine ou en Europe. Plusieurs
des tests utilisés n’avaient pas été validés par l’US Food and
Drug Administration, avaient une sensibilité basse ou un taux
important de résultats faux positifs. De plus, il n’a pas toujours
été fait la distinction entre infection active et résultat positif
en RT-PCR sans infection active patente. Seules les publications
agréées par des pairs ont été retenues pour l’analyse. Enfin, il
faut rappeler que la réponse immunitaire au SARS-Cov-2 inclue
l’immunité cellulaire et est fonction de la reconnaissance des
antigènes par les cellules T, dont le rôle précis reste en cours
d’évaluation.
Article publié sur Jim.fr du 05 Août 2021 par le Dr Pierre Margent sous le titre : Que sait-on des anticorps développés après une infection au SARS-CoV-2 ?
Référence
Anti body Response After SARS-Cov-2 Infection and Implication for Immunity. A rapid living review. I. Arkhipova-Jenkins. Ann Intern Med. June 2021.