Une fois n’est pas coutume, la particularité de la dernière pandémie due au Sras-CoV-2 a tenu en haleine les laboratoires de recherche du monde entier afin d’essayer de développer des vaccins en un temps record. Cela se justifiait par la rapidité d’extension des contaminations jamais connue auparavant avec d’autres zoonoses. Ainsi juste après le déclenchement de cette redoutable épidémie mondiale, à partir d’un marché de poissons de la ville de wuhan , mégapole chinoise de près de 12 millions d’âmes, un engouement sans précédent s’est emparé de nombreux Big pharma à travers le monde pour s’aligner précocement sur leur starting-block pour une course contre la montre. L’espoir pour chacun d’eux de développer le vaccin miracle, à même de pouvoir mettre un terme à ce fléau. Quatre principales voies de recherche ont émergées, avec des démarches innovantes pour certaines, académiques pour d’autres avec pour même perspective : Celle de mettre fin à cette pandémie.

Rapidité d’extension des différentes épidémies au 59 ème jours
Si la fin de l’année 2019 fut l’année de découverte de la Covid-19, la fin de l’année 2020, quand a elle, fut marquée par le début des premières vaccinations. Un temps record pour mettre à jour un vaccin et tenter de contrer ce nouveau fléau de notre décennie. Pour de multiples raisons certains vaccins se trouvent plus médiatisés que d’autres. Cependant Jusqu’ici, deux d’entre eux, produits américains, ont focalisé l’attention (Pfizer/BioNtech et Moderna), vaccins validés non, pas encore, par l’OMS mais ayant bénéficié de la bénédiction d’une revue scientifique leader « The Lancet » et de celle des gouvernements américain et canadien.
Une dizaine d’autres, en dernière phase d’essai clinique (Oxford/ AstraZeneca, Pasteur, Janssen, Sputnik V, Sinovac …) pour certains déjà prescrits dans la population du pays inventeurs ( Cas de la Russie et de la chine ), pourraient être approuvés au cours de l’année à venir. Ces vaccins ont tous le même objectif : présenter au système immunitaire un antigène contre lequel il doit apprendre à se défendre. Généralement, il s’agit de la protéine Spike (S) du coronavirus, celle qui lui donne sa forme de couronne d’épines et lui sert à infecter les cellules.
A ce jour , pas moins de quatre stratégies vaccinales différentes sont utilisées : vaccins à ARNm, vecteur viral, coronavirus inactivé ou atténué et les protéines .
Pour aboutir, toutes doivent franchir trois obstacles : en essai de phase 1, prouver leur non-toxicité et trouver le bon dosage; en phase 2, montrer leur capacité à induire une réponse immunitaire protectrice suffisante (immunogénicité); en phase 3, démontrer leur efficacité sur des groupes de plus de 10.000 personnes. Environ 300.000 volontaires ont ainsi intégré des essais dans le monde, sans effet secondaire grave confirmé. Néanmoins, tout au long des campagnes de vaccination, de nouveaux essais cliniques seront lancés sur différents vaccins, au fur et à mesure qu’ils obtiendront leur autorisation. Un effort de pharmacovigilance sera fait dans différents pays ayant entamé cette vaccination . Exemple de la France avec la plate-forme Covireivac, coordonnée par l’Inserm, sur laquelle se sont inscrites plus de 40.000 personnes pour participer aux essais cliniques nationaux qui compléteront les données fournies par les laboratoires pharmaceutiques. Déjà trois essais doivent débuter d’ici à début janvier avec les vaccins ARNm de Moderna, et à vecteur viral de Oxford/AstraZeneca et Janssen.
- ) Les vaccins à ARN messager – Pour la première fois dans l’histoire de la vaccination, l’antigène inoculé n’est pas une protéine virale ou un virus atténué, mais des brins d’acide ribonucléique « messagers » (ARNm) qui codent génétiquement cette protéine.

Les brins ARNm sont encapsulés dans des nanoparticules de lipide (graisse) qui facilitent leur entrée dans les cellules situées à proximité de l’endroit où le vaccin est injecté. Objectif : « forcer » la machinerie cellulaire à fabriquer la protéine virale contre laquelle l’organisme devra apprendre à se défendre.

L’ARNm est encapsulé dans une nanoparticule lipidique pour le protéger de la dégradation et favoriser sa pénétration dans la cellule. © N.Pardi et al, Nat Rev Drug Discov, 2018
Une quasi-thérapie génique, à ceci près que l’ARN messager vaccinal n’interagit pas avec le génome dans le noyau des cellules et se dégrade rapidement. L’avantage de ces vaccins est qu’ils sont beaucoup plus rapides à développer et à produire que les vaccins « classiques » qui nécessitent un temps de culture cellulaire pour la plupart. En revanche, leur conservation et acheminement sur les sites de vaccination sont délicats en raison de l’instabilité des ARNm qui doivent être gardés à des températures de -20 °C à -80 °C. Surtout, « c’est une technologie nouvelle sur laquelle on a moins de recul que sur d’autres puisque aucun vaccin de ce type n’a encore été commercialisé. Il faut donc rester prudent », précise la Dr Marie Lachâtre, vaccinologue au Centre d’investigation clinique de l’hôpital Cochin à Paris et l’une des coordinatrices de Covireivac. À l’heure où nous écrivons ces lignes, seul le vaccin ARNm de Pfizer/BioNtech a été validé par le Royaume-Uni et les États-Unis sur la base des dossiers complets fournis par les industriels aux seules agences sanitaires. Le rapport détaillé de l’Agence américaine du médicament (FDA) concernant ce vaccin a confirmé une efficacité de 95 % en moyenne (plus de 90 % chez les personnes âgées ou avec comorbidités). Et sur les 43.252 participants à l’essai, aucun effet indésirable grave n’a été relevé. Le Royaume-Uni le déconseille aux grands allergiques,comme c’est le cas pour de nombreux autres vaccins. Les effets secondaires les plus fréquents étaient les réactions autour du point d’injection (84,1 %), la fatigue (62,9 %), les maux de tête (55,1 %), les courbatures (38,3 %) et la fièvre (14,2 %). « Il y a déjà beaucoupde bonnes surprises jusqu’ici », relève la Pr Élisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé (HAS). Notamment qu’aucune forme grave de Covid-19 n’aurait été enregistrée dans le groupe vacciné avec le vaccin ARN de Moderna. « Or ce dont on a besoin en urgence, c’est une protection contre les formes sévères de la maladie pour soulager le système de santé », précise Élisabeth Bouvet.
En France, la plate-forme Covireivac a programmé un essai clinique sur le vaccin Moderna qui devrait débuter entre fin décembre et début janvier.


2 – ) Vaccins à vecteur viral
Plus classique, cette stratégie consiste à placer la protéine Spike du coronavirus sur un autre virus, un vecteur, modifié pour être non pathogène. « Cette méthode a une très bonne capacité à provoquer une réponse immunitaire adéquate, car le vecteur viral va mimer une infection naturelle. Il ne nécessite donc pas d’adjuvant [une substance ajoutée pour renforcer l’alerte au système immunitaire], Dans le cas du Covid-19, dix candidats vaccins utilisent des adénovirus. Toutefois, une immunité préexistante à ces vecteurs circulants par ailleurs peut affaiblir la réponse. » À l’inverse, « le vecteur lui-même peut conserver une pathogénicité résiduelle et provoquer une infection, voire disséminer à un tiers. Pour éviter ces problèmes, le vaccin Oxford/Astra Zeneca utilise un adénovirus de chimpanzé pour lequel aucune immunité n’existe chez l’humain. » Selon les résultats de phase 3 publiés dans The Lancet le 8 décembre, son efficacité est comprise entre 62 % et 90 % selon les doses utilisées lors des deux injections, et aucune alerte d’effet secondaire sévère ou grave n’est rapportée. Le vaccin développé par l’Institut Pasteur utilise, lui, son vecteur rougeole, stable et bien connu, pour échapper à ces inconvénients. « C’est celui qui offre le plus de garanties », assure Marie Lachâtre. Mais il est sensiblement plus complexe et plus long à développer. Seul un essai de phase 1 sur 90 participants est en cours en France. En attendant, ce sont les formules à adénovirus d’Oxford/Astra Zeneca et Janssen qui doivent faire l’objet d’essais cliniques pilotés par Covireivac en France dès la mi-décembre.
3 – ) Du coronavirus atténué ou inactivé
Il s’agit cette fois d’inoculer directement du coronavirus dans l’organisme, à ceci près qu’il a été préalablement soit inactivé, soit atténué. Dans le premier cas, un traitement chimique ou thermique lui ôte sa capacité à se répliquer dans les cellules. « Le vaccin ne présente alors aucun risque infectieux, il est stable, avec des effets secondaires bien connus : douleur et rougeur au point d’injection, fièvre et douleurs musculo-squelettiques. Mais la technique manque d’immunogénicité et nécessite donc un adjuvant et plusieurs injections.» C’est l’approche de Sinopharm et Sinovac en Chine depuis juillet : un million de personnes auraient déjà reçu leurs doses lors d’une campagne de vaccination d’urgence ciblée (aéroports, douanes, voyageurs d’affaires, etc.). Sinopharm a été homologué aux Émirats arabes unis en décembre. Deuxième possibilité : un coronavirus vivant mais atténué. C’est d’ailleurs la version la plus utilise un virus affaibli pour infecter une personne sans la rendre malade. Variole, rougeole, oreillons, rubéole, varicelle, poliomyélite… La recette a fait florès. En principe, ces souches vaccinales sont obtenues par passages successifs de lignées virales sur des cultures cellulaires animales, au cours desquels elles perdent leur pouvoir pathogène. Mais la startup américaine Codagenix a opté pour une nouvelle technique : une reprogrammation génétique du virus pour « désoptimiser » sa vitesse de réplication avant de l’inoculer. Ainsi, alors que le coronavirus Sras-CoV-2 peut produire quelque 100 millions de copies au sein d’une cellule en 24 heures, la version atténuée génétiquement permettrait de diviser ce rythme d’un facteur 1000 afin de donner le temps au système immunitaire de réagir. Pour l’instant, seul Codagenix s’est lancé dans cette voie, et le premier essai chez l’humain doit débuter en décembre
4– ) Protéines recombinantes :
Le coronavirus possède à sa surface des pointes (désignées en anglais sous le terme de Spikes) qui vont l’aider à entrer en contact avec les cellules à infecter. Ces pointes sont des protéines virales qui ont été désormais isolées en laboratoire. Elles peuvent être fabriquées et injectées pour faire réagir les anticorps à ces molécules étrangères. Le système immunitaire sera alors capable de se défendre, s’il rentre à nouveau en contact avec ces protéines virales. Quatorze candidats vaccins différents sont développés à l’aide de protéines dites recombinantes. Ce sont des protéines fabriquées à partir de cellules modifiées par recombinaison génétique. Il s’agit de les introduire sans support, mais accompagnées d’un adjuvant capable d’alerter le système immunitaire sur le site d’injection. Sans ça, il ne considérera pas ces protéines recombinantes comme un danger. Cette technique, qui est utilisée contre l’hépatite B ou les papillomavirus humains, fait l’objet de trois essais de phase 3. Celui de Sanofi -GSK devrait entrer en phase 3 ce mois de décembre, et le laboratoire français table sur la production d’un milliard de doses à la fin 2021.