Mois : avril 2020
Hommage à nos confrères victimes du Covid-19

Prédiction du risque de progression chez les patients atteints de pneumonie au COVID-19: le score CALL
Une équipe pékinoise (1) propose un outil d’évaluation du risque de progression de la pneumonie due à SARS-CoV-2. Il s’agit d’un score élaboré à partir de l’analyse rétrospective de 208 patients COVID-19 consécutifs admis dans deux centres hospitaliers sur une période d’un mois (20 janvier-22 février).
Les patients sévères ont été exclus de l’étude. Au terme de leur étude, les auteurs ont retenu quatre paramètres cliniques pour définir leur score dit CALL : les comorbidités (diabète, maladie cardiovasculaire, maladie hépatique, asthme, BPCO, infection à VIH, cancer), l’âge des patients, les taux de lymphocytes et d’HDL.
Les patients à faible risque de progression sont ceux qui ont un score de 4 à 6 (tableau). Selon les auteurs, ils pourraient être pris en charge en toute sécurité dans des hôpitaux périphériques ou de districts du pays, y compris les plus de 60 ans, mais ne présentant pas de comorbidité. Un score égal ou supérieur à 7 justifie un transfert rapide dans un centre tertiaire. Ce peut être le cas de patients de moins de 60 ans sans comorbidité, mais avec un taux de HDL très élevé et une lymphopénie sévère.

1- Prediction for Progression Risk in Patients with COVID-19 Pneumonia: the CALL Score
Dong Ji, and al.
Clinical Infectious Diseases, ciaa414, https://doi.org/10.1093/cid/ciaa414
Commentaire de C.F., paru sur OPA Pratique du 14 Avril 2020
hommage à nos martyrs, victimes du Covid-19
Recommandations SPLF : sur Covid-19 & Asthme, BPCO, Fibroscopie, Cancerologie, EFR, éthique etc…
Le scanner thoracique, dans des indications réservées
Aujourd’hui, le scanner thoracique est le seul examen d’imagerie présentant un intérêt chez les patients atteints de COVID-19. Comme l’ont constaté plusieurs équipes, il existe une bonne corrélation entre les anomalies scannographiques et la sévérité de la maladie(1,2).
L’analyse des données radiologiques de 81 patients chinois a montré que des anomalies au scanner peuvent être présentes même chez les patients asymptomatiques, avec une évolution rapide des lésions vers des opacités focales diffuses en verre dépoli ou une consolidation en 1 à 3 semaines après le début des symptômes(1). Cette étude conclut que l’association de l’imagerie et des données cliniques et de laboratoire pourrait faciliter le diagnostic précoce de la pneumonie due à la COVID-19. Une hypothèse à confirmer.
Deux éléments défavorables à l’utilisation du scanner pour le dépistage ou le diagnostic précoce de l’infection à SARS-CoV-2 sont actuellement invoqués(3). D’une part, l’absence de données sur sa spécificité et sa sensibilité dans ces indications. D’autre part, l’éventualité d’un rapport bénéfice/risque disproportionné en cas de réalisation de l’examen à grande échelle. À noter par ailleurs que la concordance entre les données scannographiques et la RT-PCR* (le gold standard pour le diagnostic de cette infection) reste à déterminer(3).
Dans ce contexte, selon la Société Française de Radiologie, il n’y a actuellement pas d’indication à réaliser un scanner thoracique à des fins de dépistage chez des patients sans signes de gravité et sans comorbidités(4). Un scanner sans injections en coupes fines est indiqué dans les cas de suspicion ou une confirmation du diagnostic avec des signes de gravité clinique initiaux ou secondaires justifiant une prise en charge hospitalière. La réalisation de cet examen peut aussi se concevoir chez des patients suspects avec comorbidités, soit en attente des résultats de PCR, soit en première ligne s’il existe des problèmes de délais et de disponibilité de PCR. Les patients en soins intensifs/réanimation doivent bénéficier d’un scanner avec injection dans les situations suivantes : aggravation avec évolution vers un tableau de syndrome de détresse respiratoire aigu, ou développement d’un pneumothorax sous ventilation ou apparition d’une complication thromboembolique.
*Real time polymerase chaine reaction : réaction en chaîne par polymérase permettant de mesurer la quantité initiale d’ADN.
Article paru sur OPA Pratique du 31 Mars 2020. Commentaire de C. F.
Références
1. Shi H et al. Radiological findings from 81 patients with COVID-19 pneumonia in Wuhan, China: a descriptive study. Lancet Infect Dis 2020 ; 20(4) : 425-34. doi: 10.1016/S1473-3099(20)30086-4.
2. Salehi S et al. Coronavirus Disease 2019 (COVID-19): a systematic review of imaging findings in 919 patients. AJR Am J Roentgenol 2020 Mar 14 : 1-7. doi: 10.2214/AJR.20.23034.
3. Huang Y et al. CT screening for early diagnosis of SARS-CoV-2 infection. Lancet Infect Dis 2020 Mar 26. pii: S1473-3099(20)30241-3. doi: 10.1016/S1473-3099(20)30241-3.
4. Mise au point du 12 mars 2020. http://www.sfrnet.org/rc/org/sfrnet/nws/News/2020/20200316-155630-175/src/nws_fullText/fr/Covid%2012%20mars.pdf
Pourquoi le poumon est-il aussi vulnérable au COVID-19 ?
Pour Zhang H et coll. (Toronto), l’étendue de la surface offerte par l’épithélium alvéolaire explique l’extrême susceptibilité pulmonaire aux virus inhalés, ce qui ne doit pas occulter un paramètre biologique important, l’expression des récepteurs ACE2 par cet épithélium.
Plus de 80 % des cellules pulmonaires exprimant ces récepteurs sont des cellules épithéliales alvéolaires de type II, qui pourraient servir de réservoir à l’invasion virale. Ces mêmes cellules expriment des gènes associés à l’ingénierie virale (cycle de vie, assemblage et réplication du génome viral), ce qui suggère une facilitation de la réplication des coronavirus au niveau des poumons.
Les récepteurs ACE2 sont également présents sur de nombreux tissus en
dehors des poumons (cœur, reins, endothélium et intestins). Les auteurs
développent plusieurs approches thérapeutiques potentielles :
– un vaccin dirigé pour la sous-unité spike 1 qui se fixe sur le récepteur ACE2 ;
– l’inhibition de la sérine protéase transmembranaire 2 (TMPRSS2) indispensable à l’amorçage de la protéine S (spike) ;
– le blocage du récepteur ACE2, par le biais d’anticorps ou de petites molécules ;
– l’apport de formes solubles d’ACE2 qui permettrait de neutraliser le
virus et de préserver l’activité ACE2 cellulaire qui régule le système
rénine angiotensine à la baisse avec un effet protecteur au niveau
pulmonaire. Cette modalité thérapeutique aurait un double effet :
ralentir la pénétration cellulaire des virus donc leur invasivité et
protéger les poumons.
La piste des récepteurs solubles a déjà fait la preuve de sa sécurité chez des volontaires sains et sur une petite cohorte de patients souffrant de détresse respiratoire aiguë. Un essai pilote est en cours chez des malades COVID-19.
Paru sur OPA Pratique le 10 Avril 2020. Commentaire de M.D.
Article original
Zhang H et al. Angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2) as a SRAS-CoV-2 receptor: molecular mechanisms and potential therapeutic target. Intensive Care Med 2020 ; 46 : 586-90. https://doi.org/10.1007/s00134-020-05985-9
Covid-19 : Contamination aérienne, la distance d’un mètre remise en cause
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Une équipe du MIT remet en question le modèle généralement admis de la contamination par gouttelettes.
En 1897, le bactériologiste allemand Carl Flügge montra pour la première fois que des pathogènes sont présents dans des gouttelettes de l’air expiré de patients infectés. Son modèle a été remanié dans les années 30 par William F. Wells qui travaillait sur la contagion tuberculeuse et distingua deux types de gouttelettes : des grosses qui ont tendance à tomber et à contaminer l’environnement du malade ; des petites qui s’évaporent et s’assèchent en formant des aérosols lorsqu’elles passent du milieu bronchique chaud et humide à l’air ambiant plus sec et plus froid. Les recommandations de l’OMS et de la plupart des agences sanitaires reposent encore sur cette dichotomie à laquelle ont été attribuées des valeurs arbitraires allant de 5 à 10 µm.
Une équipe du MIT (Massachussets Institute of Technology, Cambridge) a réalisé des études en laboratoire qui montrent que l’expiration, l’éternuement ou la toux expulsent un nuage de gaz turbulent et multiphasique contenant un continuum de tailles de gouttelettes (voir le film en ligne*) » Nuage de gaz turbulent multiphase provenant d’un éternuement humain «
. L’air chaud et humide à l’intérieur de cette bouffée prolonge la pérennité des gouttelettes dont la durée de vie passe d’une fraction de seconde à quelques minutes (soit x par un facteur 1000). De plus, elles sont propulsées à une vitesse allant jusqu’à 10-30 m/s et peuvent ainsi parcourir une distance de 7 à 8 mètres. Tout au long de cette trajectoire, des gouttelettes sont expulsées du nuage et contaminent l’environnement. Une étude chinoise ayant rapporté la présence de SARS-CoV-2 dans les systèmes de ventilation hospitaliers semble confirmer les hypothèses développées ici, notamment en ce qui concerne la persistance du pathogène dans un air humide et chaud.
Les auteurs tirent deux conséquences majeures de leur travail : la distance de sécurité de 1 mètre que deux personnes doivent respecter pour ne pas se contaminer semble insuffisante (on relèvera d’ailleurs que le CDC d’Atlanta conseille pour sa part 2 mètres). Par ailleurs, dans le contexte actuel, l’utilisation des masques chirurgicaux devrait être élargi. Ils concluent en appelant à d’autres études sur la propagation et la dynamique de ces nuages turbulents. Rappelons par ailleurs qu’il s’agit d’une étude réalisée dans des conditions de laboratoire qui ne prend pas en compte des paramètres de « la vraie vie », notamment les vents et les turbulences de l’air ambiant en extérieur.
Publié sur OPA pratique du 31 Mars 2020 , commentaire G.L.
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