Corticoïde : un traitement de courte durée n’est pas anodin

alt altPublié le 27/04/2017


Selon une étude américaine, au cours d’une période de 3 ans, un adulte sur 5 reçoit une prescription de corticoïde oral de courte durée avec une augmentation significative du risque d’effets indésirables

.Waljee AK, Rogers MAM, Lin P, Singal AG, Stein JD, Marks RM, et al. Short term use of oral corticosteroids and related harms among adults in the United States: population based cohort study. BMJ. 2017;j1415

Les effets indésirables liés à la prescription d’un corticostéroïde de courte durée ne doivent pas être sous-estimés. C’est ce que rappellent les auteurs d’une étude rétrospective de cohorte réalisée aux Etats-Unis. Ils ont analysé la base de données des assurances privées nationales entre 2012 et 2014 qui regroupe un million et demi de personnes âgées de 18 à 64 ans.

Au cours de cette pé riode, 21,1% ont reçu au moins une prescription en ambulatoire de corticothérapie orale pour une durée inférieure à 30 jours. Les indications les plus courantes sont les infections des voies aériennes supérieures, les affections du rachis et les allergies.

Même avec des doses moyennes

Dans les 30 jours qui ont suivi le début du traitement, les auteurs ont constaté un taux d’infection multiplié par 5 (rapport de taux d’incidence = 5,30; IC 95 % 3,80-7,41), de thromboembolie veineuse multiplié par 3 (3,33; 2,78-3,99) et de fractures multiplié par près de 2 (1,87; 1,69-2,07).

L’augmentation du risque persiste avec des doses de prednisone inférieures à 20 mg/jour: rapport de taux d’incidence = 4,02 pour les infections, 3,61 pour la thromboembolie veineuse et 1,83 pour les fractures (p < 0,001 pour tous).

Article commenté par le Dr Denis Boucheny sur fréquence médicale

Pneumopathies Interstitielles – Sujets âgés

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PATTERSON K. C. et al.Chest.2017,151-4,838-844

http://journal.publications.chestnet.org/article.aspx?articleID=2588747

Les diagnostics, les caractéristiques cliniques et les évolutions des patients qui étaient âgés au moment du diagnostic de PI ont été décrits à partir de 327 personnes inclus dont 80 (24%) étaient âgés.

La majorité était de race blanche. Les diagnostics les plus fréquents étaient PI indéterminées (45%), Fibrose Pulmonaire Idiopathique (FPI): 34%, connectivite (CNT) – PI : 11% et Pneumopathie d’Hypersensibilité (PH : 8%). La plupart des sujets âgés (74%) avec PI indéterminés avait un type d’imagerie non cohérent avec une Pneumopathie Interstitielle classique (UIP). Il n’y avait aucune différence significative dans la fonction pulmonaire ou la mortalité à 3 ans entre les sujets âgés et non-âgés regroupés ou en analyse de sous-groupe de ceux avec FPI.

En conclusion, bien que la FPI ait été le seul diagnostic le plus courant, la majorité des sujets âgés avait une PI non FPI. Ces résultats soulignent le besoin pour chaque patient avec une PI de survenue nouvelle, indépendamment de l’âge, d’être exploré sur les expositions et les résultats d’une CNT. Une PI indéterminée a été courante chez les sujets âgés mais pour la plupart, l’aspect radiologique a été non cohérent avec une UIP. Bien que le retentissement d’une PI puisse être plus prononcé chez le sujet âgé lié aux capacités fonctionnelles globales réduite, la PI n’a pas été plus sévère ou agressive dans ce groupe.

C. Krespine

BPCO – Sepsis – Théophylline – Mortalité

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Association de la prise pré hospitalière de Théophylline et mortalité chez les patients souffrant de BPCO avec sepsis.

SHIH Y-N et al.Respir Med2017,125/4,3-38

http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0954611117300422

Pour déterminer l’effet de la Théophylline chez les patients BPCO souffrant de sepsis, il a été inclus un groupe de 51 801 utilisateurs de Théophylline et 51 801 non-utilisateurs appariés sur le score de propension.

Par rapport aux non-utilisateurs, la mortalité à 30 jours (HR : 0,931), 180 jours (HR : 0,930), 365 jours (HR : 0,944) et mortalité globale (HR : 0,965) ont été significativement moindre chez les utilisateurs de Théophylline. De plus, les utilisateurs de Théophylline ont eu également un moindre risque de mort en cours d’hospitalisation (OR : 0,895) et un moindre besoin d’une ventilation mécanique (OR : 0,972).

Il est conclu que la prise de Théophylline est associée à un moindre de risque de mort par sepsis chez les patients souffrant de BPCO. La prise pré hospitalière de Théophylline pourrait protéger les patients souffrant de BPCO avec sepsis.

Commentaire : on ne pense plus souvent à la Théophylline…et pourtant….

C. Krespine

BPCO professionnelle

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BPCO professionnelle

La bronchopneumopathie chronique est une maladie chronique, lentement progressive, caractérisée par une diminution non complètement réversible des débits aériens. Elle englobe deux entités : la bronchite chronique et l’emphysème. La responsabilité des facteurs professionnels dans la genèse ou l’aggravation des BPCO est restée longtemps négligée, occultée en particulier par le poids du tabagisme. Rien dans la présentation clinique, radiologique et fonctionnelle, ou dans l’évolution, qui permette de distinguer une BPCO professionnelle d’une BPCO post-tabagique n’a été démontré.

L’ identification des facteurs de risques professionnels des BPCO repose pour l’essentiel sur des critères épidémiologiques, à partir d’études réalisées en population générale ou en population sélectionnée de sujets exposés. La réalisation et l’interprétation de ces études se heurtent à plusieurs problèmes spécifiques:

biais de sélection dans les études transversales ou de cohortes en population sélectionnée;
difficultés d’évaluation des expositions, particulièrement dans les études en population générale. Les études en population générale, en outre, reposent le plus souvent sur des questionnaires qui ne permettent pas de distinguer clairement les BPCO des autres maladies respiratoires et se prêtent mal à un suivi longitudinal.

D’autres problèmes plus spécifiques tels que « l’effet apprentissage » pour les mesures itératives de la fonction respiratoire sont susceptibles d’occulter les effets de la pollution professionnelle. Ces limites méthodologiques expliquent la difficulté à recenser de façon fiable les BPCO professionnelles. Les meilleurs critères épidémiologiques de causalité, adaptés à l’histoire naturelle de la BPCO, sont la mise en évidence d’un déclin accéléré du VEMS chez les sujets exposés, l’existence d’une relation dose-effet entre le niveau d’exposition mesuré ou évalué et l’intensité du trouble ventilatoire obstructif (TVO) ou la rapidité de déclin du VEMS, ainsi que la concordance et la cohérence des données.  Tous ces critères sont très rarement réunis, mais il existe désormais une agrégation de données épidémiologiques qui attestent du rôle important des expositions professionnelles en tant que facteur étiologique des BPCO, et plusieurs secteurs professionnels à haut risque de BPCO ont été identifiés. Ces données ont fait l’objet de plusieurs revues générales (1-3). Des études expérimentales ont également démontré que plusieurs agents, connus comme pouvant être associés à la BPCO chez l’homme, sont susceptibles d’induire des lésions bronchiques ou de l’emphysème chez l’animal, notamment la silice, la poussière de charbon, le cadmium, le vanadium et les endotoxines (3).

De nombreuses études épidémiologiques publiées dans les 20 dernières années ont montré une association reproductible entre l’exposition professionnelle aux poussières et la bronchite chronique, et une association plus inconstante entre l’exposition aux gaz, vapeurs, fumées et cette même maladie (4). Les études en population générale comportant une évaluation de la fonction respiratoire sont peu nombreuses. Elles ont identifié un risque augmenté de TVO chez les sujets exposés au gaz, vapeurs et fumées (4). Un groupe d’experts de l’American Thoracic Society a procédé en 2002 à une revue des études en population générale relative à la contribution des facteurs professionnels dans la BPCO et l’asthme et permettant de calculer des fractions de risque attribuable (5). Huit études ont été sélectionnées. Ce groupe a estimé autour de 15% la fraction des BPCO attribuables à des facteurs professionnels.


 Figure 1.
Mineurs de fond dans une mine de charbon. Exposition à la silice, aux poussières de charbon…

Activités professionnelles associées à un risque avéré de BPCO(tableau 1)

Les secteurs professionnels les mieux étudiés et pour lesquels on dispose des données les plus consistantes sont le secteur minier (figure 1), le bâtiment et les travaux publics (figure 2), la fonderie et la sidérurgie, le textile et le milieu agricole. Dans ces secteurs, le niveau du risque professionnel peut être de l’ordre de celui du tabac. C’est notamment le cas chez les mineurs de charbon et d’or, les ouvriers affectés au creusement des tunnels, mais aussi certains groupes d’employés du textile, fortement exposés aux poussières de coton. En milieu agricole, le risque est lié à l’exposition aux particules organiques (figure 3) : poussières de céréales, micro-organismes, toxines… Chez les ouvriers des silos céréaliers et chez les producteurs de lait, la fréquence de la bronchite chronique d’origine professionnelle peut être très élevée, mais le retentissement fonctionnel est généralement plus modeste. Pour certaines activités professionnelles, l’existence d’un lien de causalité est moins fermement établi. C’est le cas du travail du bois, des activités de soudage, des cimenteries, de l’usinage des métaux (tableau 1).

Les nuisances professionnelles en cause

 Figure 2.
Ouvriers des travaux publics : exposition à des poussières
minérales, gaz, fumées…

La plupart du temps, dans les professions et situations professionnelles exposées plus haut, il existe de multiples nuisances, ce qui rend difficile l’identification des substances réellement responsables. Cependant, la conjonction d’études épidémiologiques et expérimentales suggère fortement la responsabilité de la silice, des poussières de charbon, des poussières de coton et de céréales et de substances microbiennes pro-inflammatoires telles que les endotoxines, les gaz et fumées (émissions des fours, fumées métalliques, oxydes de soufre ou d’azote). Les températures élevées jouent probablement un rôle également. Par ailleurs, le cadmium induit expérimentalement des lésions d’emphysème. L’amiante, les fibres minérales artificielles et les isocyanates sont suspectés, mais le niveau de preuve est insuffisant pour conclure.

Les moyens de prévention

La prévention repose sur la suppression ou la réduction de la pollution dans l’environnement professionnel. L’existence d’une relation dose-réponse pour le développement des BPCO a été démontrée dans plusieurs secteurs professionnels, tant en milieu industriel qu’en milieu agricole. La diminution des concentrations de particules minérales ou organiques par des modifications des procédés de travail ou par des équipements de protection collectifs ou individuels, est donc susceptible de diminuer l’incidence de la BPCO chez les travailleurs exposés. Le tabac potentialise ou renforce la nocivité des polluants industriels et de la majorité des polluants agricoles. Il en résulte que la lutte contre le tabagisme est un élément essentiel de la prévention des BPCO professionnelles. Une surveillance régulière des travailleurs exposés, comportant la recherche de symptômes respiratoires et des spirométries itératives, est nécessaire pour dépister les BPCO débutantes. Il a été en effet observé chez les travailleurs du coton et chez les ouvriers céréaliers que des mesures de protection efficaces ou un changement de poste de travail ont un effet positif sur l’évolution de la maladie. En milieu agricole de production laitière, des études récentes ont suggéré que la modernisation des exploitations agricoles s’accompagnait d’un ralentissement du déclin du VEMS (6-7). La recherche de modifications significatives du VEMS, entre le début et la fin de la journée de travail, pourrait permettre de repérer les sujets à haut risque de BPCO, avant la constitution d’un TVO fixé.

Faire reconnaître la maladie professionnelle

Il est important que le clinicien connaisse les causes professionnelles des BPCO et les recherche systématiquement devant tout cas nouvellement diagnostiqué par un interrogatoire permettant de retracer toute la carrière professionnelle, même lorsqu’il existe une intoxication tabagique avérée. La reconnaissance des BPCO en maladie professionnelle n’est possible en France que depuis quelques années, de façon encore très limitative (tableau 2).

Figure 3.
Étable de production laitière. Forte contamination en poussières végétales et micro-organismes.

Actuellement, cinq tableaux du régime général de la Sécurité sociale et deux tableaux du régime agricole permettent l’indemnisation d’une BPCO professionnelle. Mais, la rédaction de ces tableaux est restrictive, avec nécessité d’un abaissement du VEMS d’au moins 30 ou 40 % (tableaux 90,91 et 94 du RG et 54 du RA) par rapport à la valeur théorique pour pouvoir prétendre à réparation (8). La création en 1993 du système complémentaire de réparation des maladies professionnelles a permis de faire également des demandes de reconnaissance en maladie professionnelle pour des BPCO relevant d’étiologies non mentionnées dans les tableaux. Pour ces BPCO, lorsqu’une déclaration de maladie professionnelle a été faite, il appartient à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de se prononcer sur l’existence d’une relation causale « directe et essentielle ». La saisine des CRRMP nécessite préalablement que la maladie soit considérée comme consolidée et justifie un taux d’IPP d’au moins 25%. Mais, en l’absence de critères cliniques, fonctionnels ou anatomiques documentés susceptibles de distinguer les BPCO professionnelles des autres BPCO, en particulier tabagiques, il est très difficile d’imputer avec certitude la maladie au travail. C’est probablement une des raisons pour lesquelles les CRRMP sont rarement et insuffisamment sollicitées pour les BPCO « hors tableaux».

Conclusion

Les étiologies professionnelles des BPCO sont encore mal connues car peu enseignées et mal recherchées. Elles sont pourtant à l’origine de 15 à 20% des BPCO et leur recherche systématique par un interrogatoire professionnel complet et rigoureux est nécessaire tant pour faire progresser la prévention primaire et secondaire que pour permettre aux malades de recevoir, le cas échéant, l’indemnisation à laquelle ils ont droit.

Article de : J.-C. DALPHIN (1), J.-C. PAIRON (2), J. AMEILLE (3), 1. Hôpital Jean-Minjoz, CHU de Besançon, 2. Institut interuniversitaire de médecine du travail de Paris, 3. Hôpital Raymond-Poincaré, Garches

Références

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1. Ameille J et al. EMC -Toxicologie Pathologie 2 (2005) 31-42. Rechercher l’abstract
2. Meldrum M et al. J Occup Environ Med 2005 ; 62 : 212-4. Rechercher l’abstract
3. Balmes JR. J Occup Environ Med 2005; 47 : 154-60. Rechercher l’abstract
4. Ameille J. Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 13S119-30. Rechercher l’abstract
5. American Thoracic Society Documents. Am J Respir Crit Care Med 2003 ; 167 : 787-97. Rechercher l’abstract
6. Gainet M et al. Eur Respir J 2007 ; 30 : 97-103. Rechercher l’abstract
7. Venier AG et al. Am J Ind Med 2006 ; 49 : 231-7. Rechercher l’abstract
8. Abadia G et al. Edition INRS, Paris, 2004, 350 pages. Rechercher l’abstract

Découverte de kystes pulmonaires au scanner : orientations diagnostiques

Découverte de kystes pulmonaires au scanner : orientations diagnostiques

Difficilement visibles en radiographie standard, les kystes pulmonaires sont souvent de découverte fortuite au scanner. En pratique, comment les reconnaître et quelle démarche diagnostique envisagée ?

Qu’est-ce qu’un kyste pulmonaire ?

La Fleischner Society propose une définition précise : il s’agit d’une image ronde, hypodense, avec une interface nette par rapport au parenchyme adjacent (correspondant en histologie à un épithélium ou une paroi fibreuse). L’épaisseur de la paroi est variable mais habituellement fine (< 2 mm). Le contenu est le plus souvent aérique, mais peut être également liquide ou solide(1)(figure 1 A). La première étape devant une telle image est de s’assurer qu’il s’agit bien d’un kyste (figure 1). Les images trompeuses sont nombreuses.

Parmi les diagnostics différentiels, il faut évoquer :
l’emphysème, qui correspond à une plage focale hypodense, sans paroi visible. La distinction avec un kyste est parfois difficile, notamment chez les patients tabagiques(1). Pour les distinguer, on peut s’aider de deux critères :
– l’absence de paroi propre dans l’emphysème, puisqu’il s’agit d’une distension des espaces aériens distaux. Ce signe est parfois douteux : la « pseudo paroi » autour de la bulle d‘emphysème correspond simplement au parenchyme pulmonaire adjacent condensé,
– la visualisation d’un point au centre de l’image aérique « dot-like structure » qui oriente vers l’emphysème, puisqu’il correspond anatomiquement à l’artère centrolobulaire, au sein du lobule secondaire distendu (figure 1 B), alors que dans un kyste, l’artère est périphérique (figure 1 A) ;
les dilatations de bronches kystiques : le diagnostic est facilement corrigé grâce aux reformations multiplanaires, montrant la communication de l’image aérique avec l’arbre bronchique (figure 1 C et D) ;
les pneumatocèles qui correspondent à des images aériques pulmonaires arrondies à paroi fines(1), survenant dans un contexte de traumatisme ou d’infection. Ces images sont le plus souvent régressives ;
le « rayon de miel » qui correspond à des kystes accolés, de diamètre similaire (3 à 10 mm, parfois jusqu’à 25 mm), avec des parois bien limitées. L’atteinte est sous-pleurale et mime l’aspect des « nids d’abeilles »(1). Ce terme sous-entend une pathologie pulmonaire au stade terminal, il est une des caractéristiques de la fibrose pulmonaire (figure 1 E) ;
Les cavités qui sont des espaces aériques au sein d’une condensation ou d’une masse(1). Elles se différencient des kystes par leur paroi épaisse, en général > 4 mm(2). Les étiologies des cavités sont les néoplasies (carcinome épidermoïde pulmonaire, lymphome, mélanome), les emboles septiques, les infections fongiques et à mycobactéries (figure 1 F), les vascularites (maladie de Wegener)(2).

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Figure 1 A. Kyste pulmonaire typique, arrondi, à parois fines, avec une artère périphérique (flèche blanche).
B : plusieurs bulles d’emphysème centrolobulaire, sans paroi identifiable avec, au centre de chacune des bulles,une artère visible (flèche blanche).
C et D : pseudo images kystiques en coupe axiale (C), correspondant à des dilatations des bronches plus faciles à identifier sur la reformation sagittale (D).
E : images de « rayon de miel » typique des bases pulmonaires dans le cadre d’une fibrose pulmonaire de type pneumonie infiltrante commune (PIC).
F : image de cavité à paroi épaisse et irrégulière du segment ventral du culmen, avec un petit niveau liquidien,
correspondant à un abcès pulmonaire à Candida, en cours de détersion sous traitement antifongique.

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Quelles orientations diagnostiques devant la découverte d’un kyste pulmonaire ?

Une classification des maladies pulmonaires avec des kystes diffus a été proposée par N. Gupta et coll.(3), les principales étiologies sont résumées dans le tableau. À suivre quelques tableaux scannographiques évocateurs chez l’adulte.

Lymphangioléiomyomatose (LAM)

Il s’agit d’une pathologie pulmonaire rare, qui survient de manière sporadique (prévalence: 1 femme/ 400 000) ou associée à une maladie génétique autosomique dominante: la sclérose tubéreuse de Bourneville(4)(figures 2 et 3). La forme sporadique atteint quasi exclusivement les femmes, en période d’activité génitale(5), avec un âge médian de découverte entre 35 et 40 ans. Les formes de découverte tardive post-ménopausiques sont aussi possibles et représentent 10 % des cas. L’atteinte des hommes et des enfants est exceptionnelle(6).

Dans le cadre de la sclérose tubéreuse de Bourneville, la LAM est présente dans 30 à 50 % des cas. Les hommes sont aussi atteints mais de manière moins fréquente et moins sévère que les femmes(7,8). Cette pathologie est caractérisée par une prolifération anormale des cellules musculaires lisses immatures et de cellules épithélioïdes périvasculaires entraînant la formation de kystes pulmonaires, de masses lymphatiques abdominales ou pelviennes (lymphangioléiomyomes) et de tumeurs rénales bénignes, les angiomy lipomes. Au niveau pulmonaire, la prolifération cellulaire entraîne une obstruction bronchiolaire et la destruction kystique du parenchyme pulmonaire(9). Les signes cliniques sont une dyspnée, des douleurs thoraciques des pneumothorax récurrents, des épanchements pleuraux chyleux et des hémoptysies(10).

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Figure 2. Patiente de 47 ans suivie pour une LAM.
A : scanner thoracique, reconstruction coronale montrant de multiples kystes atteignant le parenchyme pulmonaire de manière diffuse.
B : reformation coronale avec un nodule rénal droit de densité graisseuse (- 83 UH) correspondant à un angiomyolipome.
C : reformation sagittale : formation kystique rétropéritonéale, en rapport avec un lymphangio-léiomyome.

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Figure 3. Patiente de 24 ans suivie pour une sclérose tubéreuse de Bourneville.
A et B : scanner thoracique, reformation coronale (A) et coronale en MinMIP (B), montrant l’atteinte kystique diffuse et quelques nodules.
C : scanner abdominal présentant de multiples angiomyolipomes du rein droit.

Au scanner, on retrouve des kystes, le plus souvent ronds, distribués classiquement de manière homogène dans tout le parenchyme pulmonaire(4). Une étude retrouve une atteinte préférentielle des apex et du poumon moyen, avec une épargne relative des bases et des zones périphériques(11). Leur taille varie: le plus souvent entre 2 et 5 mm de diamètre, parfois jusqu’à 30 mm(12). La paroi des kystes est le plus souvent < 2 mm mais a été décrite jusqu’à 4 mm(4). Dans un tableau typique, les kystes sont multiples (> 10). Toutefois, le diagnostic reste possible s’ils sont moins nombreux (entre 2 et 10)(4). Le reste du parenchyme pulmonaire est normal, sauf dans quelques cas de sclérose tubéreuse de Bourneville, où il peut exister une atteinte micronodulaire multifocale, liée à une hyperplasie des pneumocytes(4,13). Un scanner abdominal complémentaire est recommandé lorsque le diagnostic de LAM est suspecté, à la recherche d’angiomyolipomes rénaux (présents dans 100 % des cas de sclérose tubéreuse de Bourneville, 50 % des LAM sporadiques) et de lymphangioléyomyomes(4) dans 10 % des cas. Le diagnostic de certitude a été établi en 2010 par la European Respiratory Society(4). La biopsie chirurgicale pulmonaire n’est plus forcément nécessaire. Un scanner pulmonaire caractéristique et un des items suivants : angiomyolipome rénal, lymphangioléiomyome, épanchement chyleux thoracique ou abdominal, adénomégalie atteinte par la LAM, sclérose tubéreuse certaine ou probable, permettent de poser le diagnostic.

Histiocytose langerhansienne pulmonaire (PLHC)

Cette pathologie correspond à la prolifération d’histiocytes spécifiques, les cellules de Langerhans(14), au sein des petites voies aériennes distales(15)(figure 4). L’atteinte pulmonaire isolée est rencontrée quasiment exclusivement chez les fumeurs (90 % des cas)(16). La maladie survient chez des patients âgés de 30 à 40 ans, révélée le plus souvent par une toux et une dyspnée(15). Dans quelques cas, les patients présentent de la fièvre, des douleurs thoraciques et des hémoptysies, mais le plus souvent les symptômes sont légers et non spécifiques. Un contexte de pneumothorax récidivant est fréquent(17). Les signes cliniques et radiologiques sont le plus souvent améliorés après l’arrêt du tabac(18).

L’aspect scannographique varie selon le stade de la maladie. À la phase initiale, on retrouve des micronodules ou des nodules (de 1 à 10 mm) de distribution centro-lobulaire, mal limités, parfois isolés à la phase débutante bien que l’association à des kystes soit typique. Dans un second temps, les nodules ont tendance à la cavitation et des kystes vont apparaître(19). Les kystes sont le plus souvent ronds, < 10 mm, à paroi régulière. Ils ont tendance à la confluence, entraînant des formes bizarres, bilobées, en feuille de trèfle ou d’aspect branché(14,19-21). La distribution des kystes montre une atteinte préférentielle des régions supérieure et moyenne, avec une épargne relative des bases et des régions sous-pleurales(22). Le scanner permet un diagnostic correct de PLHC dans 74„% des cas, et surseoirait la biopsie pulmonaire chirurgicale dans les cas les plus typiques(23).

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Figure 4. A : histiocytose langerhansienne pulmonaire avec nodules troués et kystes.
B et C : histiocytose langerhansienne pulmonaire avec multiples kystes confluents, la reformation coronale (C) montre l’épargne relative des bases.

 

Syndrome de Birt-Hogg-Dubé (BHD)

Il s’agit d’une maladie autosomique dominante, associant des kystes pulmonaires dans 89 % des cas(24), des tumeurs rénales bilatérales et multiples chez la moitié des patients, et des lésions cutanées du visage et du torse (fibrofolliculomes, trichodiscomes) (figure 5). La maladie est souvent découverte à la 4e ou 5e décade, mais peut se révéler chez des adolescents ou des octogénaires(25).

L’atteinte pulmonaire est le plus souvent asymptomatique ou entraîne des pneumothorax à répétition(26). Un homme jeune avec une histoire familiale de pneumothorax et des lésions cutanées doit faire évoquer le diagnostic(25). Les kystes pulmonaires sont multiples, de taille variable, ronds, ovalaires ou irréguliers. Ils prédominent dans les régions inférieures, surtout centrales.

Dans tous les cas, certains des kystes sont contigus ou engainent la partie proximale des artères ou des veines pulmonaires(24). Une histoire familiale évocatrice et une enquête génétique sont les deux éléments qui permettent de différencier cette pathologie des autres atteintes pulmonaires avec des kystes diffus(26).

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Figure 5. Kystes des bases pulmonaires, ovalaires ; certains autour de structures vasculaires et tumeur rénale chez un
patient de 50 ans suivi pour une maladie de Birt-Hogg-Dubé.

Atteintes infectieuses

La pneumocystose, infection à Pneumocystis jirovecii, est un tableau à connaître parmi les atteintes infectieuses. Il s’agit du mode de révélation fréquent d’un sida/VIH. Le scanner retrouve une atteinte bilatérale en dépoli, avec réticulations et kystes associés (figure 6). Les kystes, dont la taille et l’épaisseur de paroi sont variables, sont plus fréquents chez les patients immunodéprimés (56 % versus 3 % des cas)(27), disséminés de manière diffuse ou au niveau des lobes supérieurs.

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Figure 6. Pneumonie à Pneumocystis jirovecii chez un patient séropositif au VIH.
Le scanner retrouve un infiltrat en verre dépoli associé à des kystes.

 

Maladies kystiques pulmonaires et anomalies lymphoprolifératives

La LIP (Lymphocytic Interstitial Pneumonia) et la bronchiolite folliculaire correspondent à une infiltration par du tissu lymphoïde polyclonal des voies aériennes et des espaces interstitiels. Le plus souvent cette atteinte est associée à des pathologies auto-immunes: syndrome de Sjörgen (figure 7) mais aussi polyarthrite rhumatoïde, lupus systémique érythémateux. Elle peut également être associée à un état d’immunodéficience systémique : sida, déficit immunitaire commun variable(28). Au scanner, le signe prédominant est l’infiltrat en verre dépoli, diffus, bilatéral, « patchy » et périphérique. On retrouve aussi des nodules centro-lobulaires ou sous-pleuraux, des épaississements bronchiques et des septa interlobulaires, et des kystes de 1 à 30 mm dans 68 % des cas(28).

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Figure 7. Patiente présentant une LIP dans le cadre d’un Gougerot-Sjörgen.

Quels éléments aident à préciser l’étiologie ?

Il faut avant tout s’interroger sur le contexte clinique.

• Quel est l’âge du patient ? Chez les patients indemnes de pathologie pulmonaire, les kystes sont présents chez 25 % des sujets de plus de 75 ans, indépendamment du tabagisme. En revanche, les kystes pulmonaires ne sont jamais à l’état physiologique chez les patients de moins de 55 ans(29). Il paraît donc nécessaire d’approfondir les explorations chez les sujets jeunes, alors que les patients de plus de 75 ans présentant quelques kystes ne nécessiteront pas forcément d’explorations invasives.

• Quel est le sexe du patient ? La LAM sporadique est exceptionnelle chez les hommes(6).

• Quel est le contexte familial ? Existe-t-il notamment une histoire familiale de pneumothorax ? Des antécédents de pneumothorax familiaux doivent faire évoquer les pathologies suivantes : lymphangioléiomyomatose dans le cadre d’une sclérose tubéreuse de Bourneville, maladie de Marfan, maladie d’Elhers-Danlos et syndrome de Birt-Hogg-Dubé.

• Le patient est-il tabagique ? Le tabac doit faire évoquer une histiocytose pulmonaire à cellules de Langerhans ou, dans un autre contexte radiologique, une pneumonie interstitielle desquamative (DIP).

• Existe-il un contexte néoplasique ? En cas de néoplasie primitive génito-urinaire, ORL, thyroïdienne ou de sarcome, il faut évoquer en premier lieu une métastase kystique (figure 8).

• Existe-t-il des anomalies cutanées ? Selon l’aspect : macules hypomélaniques du tronc, angiofibromes faciaux, plaques fibreuses céphaliques, celles-ci orienteront vers une sclérose tubéreuse de Bourneville(7), ou fibrofolliculomes et trichodiscomes vers un syndrome de Birt-Hogg-Dubé(26).

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Figure 8. Patiente de 16 ans suivie pour un carcinome médullaire de la thyroïde, avec des métastases pulmonaires.
Sur le scanner thoracique de 2007, celles-ci correspondaient à des nodules solides, troués ou des cavités à parois
épaisses (A). Sous traitement, on retrouve en 2016 des kystes à parois fines en lieu et place des nodules (B).

Une fois le contexte clinique connu, l’analyse précise des données scannographiques est essentielle puisqu’elle permet un diagnostic étiologique exact dans 72 à 84 % des cas(2).

• Il faut d’abord penser aux anomalies associées et réaliser une acquisition complémentaire abdominopelvienne à la recherche d’une tumeur rénale qui orientera vers une LAM ou un syndrome de Birt-Hogg-Dubé.

• Au niveau du parenchyme pulmonaire :
– les kystes pulmonaires isolés orientent vers une lymphangioléiomyomatose, une histiocytose pulmonaire à cellules de Langerhans et, moins fréquent, un syndrome de Birt-Hogg-Dubé ;
– les kystes associés à des nodules orientent en première intention vers une histiocytose pulmonaire à cellules de Langerhans ou des métastases kystiques ;
– les kystes associés à des plages en dépoli évoquent une pneumocystose en première intention.

En conclusion

Les kystes pulmonaires sont souvent de découverte fortuite au scanner. La recherche d’antécédents familiaux, un contexte néoplasique ou infectieux connu, le statut tabagique permettent d’orienter les diagnostics. Le scanner permet dans un certain nombre de cas de surseoir à la biopsie chirurgicale.

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Par E. REYMOND, secteur Imagerie thoracique, radiologie centrale, CHU de Grenoble

Références

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Que faut-il penser du dosage des IgG spécifiques anti-aliments ?

Publié le 11 Avril 2017

Par : Habib CHABANE, Paris

Environ 20 % de la population des pays développés déclare souffrir d’intolérances alimentaires(1). En France, de plus en plus de personnes adoptent une alimentation sans gluten, alors que la prévalence de la maladie cœliaque est d’environ 1 %. La proportion d’individus qui suit un régime d’éviction sans justification médicale ne cesse d’augmenter.

Depuis plus d’une décennie, des tests biologiques détectant la présence d’anticorps anti-aliments se sont popularisés auprès de certains prescripteurs convaincus de leur utilité diagnostique dans la détection des intolérances alimentaires.
L’accès direct à ces tests par les patients sans prescription médicale est encore plus inquiétant. Les promoteurs de ces dosages n’hésitent pas à rattacher diverses pathologies (migraines, eczéma, polyarthrite rhumatoïde, etc.) à un mécanisme d’« intolérances alimentaires à IgG », alors que la signification de ces dosages est vivement controversée.

En quoi consiste le dosage des IgG anti-aliments ?

Il s’agit d’un test biologique effectué sur un prélèvement de sang. La majorité des tests disponibles permettent de doser l’IgG réactivité, sans distinction des sous-classes (isotypes IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4), vis-à-vis d’extraits totaux d’aliments natifs (lait, œuf, tomate, etc.) ou ayant subi un traitement industriel ou culinaire (fromage, couscous, polenta, etc.). Parfois, il s’agit de protéines plus ou moins purifiées (gluten, caséines). La technique consiste à faire réagir le sérum du patient avec les extraits d’aliments préalablement immobilisés sur les parois d’une cupule de microplaque en polystyrène (technique ELISA pour la majorité des tests disponibles) ou sur une petite surface d’une lame de verre sur laquelle des microgouttes de ces extraits ont été préalablement immobilisées (seule Genarrayt® utilise cette
biopuce à protéine). Après une incubation d’une heure (ou plus), les IgG n’ayant pas réagi sont éliminées par lavage. Les IgG ayant réagi avec les aliments sont révélées par adjonction d’anti-IgG marquées par une enzyme. La lecture de la réaction se fait en ajoutant, après un nouveau lavage, un substrat produisant une coloration ou une fluorescence dont l’intensité est proportionnelle à la quantité d’IgG anti-aliments. L’étalonnage se fait à l’aide d’une gamme étalon de 4 à 6 points. Certaines techniques incluent un contrôle positif.

Les tests disponibles

• Le test ImuPro est probablement le plus connu en Europe. Il s’agit d’un test ELISA en microplaque développé par la société allemande R-Biopharm. Le laboratoire ne commercialise pas de réactif et effectue lui-même tous les dosages dans son laboratoire situé au Luxembourg. Le test est commercialisé via internet. Le patient commande et paie son test en ligne (245, 395 et 505 pour respectivement 90, 180 ou 270 aliments) sans prescription médicale. Puis, il se rend dans un laboratoire de ville pour effectuer le prélèvement sanguin à l’aide du kit de prélèvement qu’il a reçu. L’échantillon sanguin est acheminé vers un laboratoire situé au Luxembourg où sont centralisés tous les dosages.

Foodscan est aussi un test ELISA du concurrent britannique YorkTest Lab (Omega Diagnostics) commercialisé via internet. Foodscan propose un test qualitatif d’orientation par autoprélèvement d’une goutte de sang (kit de prélèvement) qui sera envoyé, dans un premier temps, au laboratoire YorkTest pour déterminer s’il y a des IgG vis-à-vis d’un nombre restreint d’aliments. Cette analyse préliminaire coûte environ 20 euros. Comme elle est presque toujours positive, il est suggéré au patient de la compléter par un dosage avec l’un des 2 panels (113 ou 158 aliments) pour des montants de 295 à 400 euros.
Il existe d’autres tests commercialisés au Royaume-Uni par Cambridge Nutritional Science (Food-detective et Food-print) et aux États-Unis par Biomerica (Food Intolerance ELISA de 4 à 90 aliments).

• La biopuce Genarrayt®produite au Royaume-Uni par Genesis (Omega Diagnostics) a été introduite en France il y a environ 5 ans. Son principe est identique à la biopuce ISAC®, à la différence qu’elle utilise des aliments natifs ou cuisinés, et seulement 5 protéines purifiées (alpha-lactalbumine, bêta-lactoglobuline, caséine, gliadine, transglutaminase). Son coût est d’environ 180 euros.
Pour les tests effectués par correspondance, le patient reçoit ses résultats par courrier sous forme de tableaux indiquant les aliments positifs (auxquels il est supposé être très intolérant ou moyennement intolérant) et négatifs. Les résultats sont parfois accompagnés de conseils diététiques, tout en recommandant un suivi médical. En pratique, il s’agit d’exclure pendant quelques semaines à quelques mois les aliments auxquels on est intolérant, puis de les réintroduire progressivement selon un principe de « rotation » empirique qui ne repose sur aucune étude ou concept validé.

Les critiques sur le plan technique

Bien que ces dosages aient obtenu le marquage CE, ils sont discutables sur le plan technique. La qualité des aliments utilisés n’est pas standardisée et pourrait difficilement répondre aux objectifs de standardisation. La nature précise de l’aliment n’est pas décrite (ex. :  champignon, sans autre précision), d’autres sont de composition très variable (ex. : miel). Pour aucune technique commerciale, il n’est publié la méthode d’extraction des aliments. La composition ou le profil électrophorétique des extraits ne sont pas connus. De même, la nature des antigènes (ou épitopes) reconnus par les IgG n’est pas connue.
Les coefficients de variation inter-essais réels sont souvent au-delà des normes acceptables, pouvant dépasser 20 %.
Les résultats sont exprimés en unités arbitraires par ml ou en classe, ce qui ne permet pas la comparaison des résultats d’une technique à l’autre. Il n’y a pas de contrôle de qualité interlaboratoires car très peu de laboratoires effectuent ces dosages.
Il y a un risque de rendu de résultats faussement positifs pour certains aliments, car rien ne garantit la possibilité d’une fixation non spécifique des IgG, via des lectines ou autres interactions possibles. Les aliments sont testés en double sur la biopuce Genarrayt® (Genesis) alors que sur la biopuce ISAC® chaque allergène est testé en triple. La lecture étant automatisée par l’intermédiaire d’un logiciel, le résultat devient aléatoire pour la technique Genarrayt® en cas de discordance au sein d’un même doublon.

IgG anti-aliments et pathologies

Depuis le début des années 2000, plusieurs auteurs ont rapporté l’effet bénéfique d’une diète basée sur l’éviction des aliments vis-à-vis desquels des IgG sériques ont été détectées au cours de plusieurs affections comme le syndrome du côlon irritable, la migraine, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn(2-6), etc. Certains auteurs suspectent le rôle délétère proinflammatoire des IgG anti-aliments par activation locale du système du complément ou le dépôt à distance de complexes immuns.
Plusieurs études publiées sont méthodologiquement critiquables, car elles portent souvent sur un effectif réduit de patients. Peu d’études ont été faites en double aveugle contre placebo(2,3). Dans l’étude de W. Atkinson et coll.(2) dans le syndrome de l’intestin irritable, l’effet bénéfique de l’éviction alimentaire n’a été montré que sur l’analyse secondaire en sous-population. Les durées de suivi au cours des études sont relativement courtes (12-14 semaines) ne permettant pas une évaluation à long terme des bénéfices de ces régimes. Cependant, dans l’étude de N. Mitchell et coll.(6) au terme de l’étude (12 semaines), il n’y avait pas de différence (nombre de migraines ou leur impact) entre les groupes randomisés de patients suivant un vrai régime d’éviction (groupe actif) ou un régime d’éviction factice
(groupe placebo) sur la base des IgG anti-aliments, alors qu’à 4 semaines, il y avait une différence significative entre les deux groupes. Dans l’ensemble, les études restent parcellaires. Enfin, la prévalence des IgG anti-aliments dans la population générale sans troubles digestifs n’est pas connue.

Signification des IgG anti-aliments

Chez l’enfant, P.E.D. Eysink et coll.(7) ont montré la présence d’IgG anti-protéines de lait de vache à des concentrations variables chez 264 enfants âgés de 1 an, consommant du lait de vache. La majorité d’entre eux avaient aussi des IgG anti-œuf et céréales (blé et riz). P.G. Calkhoven et coll.(8) ont montré la présence d’IgG4 anti-protéines de lait, œuf et banane chez des adolescents sains. R.C. Aalberse et coll.(9) ont montré chez 240 enfants âgés de 3 mois à 14 ans que les IgG1 anti-lait de vache, œuf, banane diminuent avec l’âge, alors que les IgG4 augmentent progressivement, ce qui pourrait témoigner de l’acquisition de tolérance vis-à-vis de ces aliments. Ces résultats sont confirmés pour l’œuf dans l’étude de M.C. Jenmaln et coll.(10). Toutefois, l’utilisation en routine du dosage des IgG anti-ovalbumine ne permet pas de différencier les allergiques des enfants tolérant l’œuf ayant ou non des IgE spécifiques détectables contre l’ovalbumine(11).
Au total, la détection d’IgG vis-à-vis des aliments couramment consommés est normale. La synthèse de ces IgG anti-aliments est un phénomène physiologique, retrouvé à tout âge. Le passage (passif ou actif) de fragments plus ou moins grands de protéines alimentaires est
physiologique et contribue à l’acquisition et vraisemblablement aussi au maintien d’une tolérance à faible dose à ces aliments par le biais des IgG4. La détection des IgG vis-à-vis de certains aliments peut aussi résulter d’une réaction croisée liée à des IgG anti-allergènes respiratoires (physiologiques) ou d’une reconnaissance par des IgG dirigées contre des épitopes glucidiques (CCD). En cas de réelle maladie inflammatoire de l’intestin, de maladie cœliaque ou toute autre situation pathologique (infection intestinale, allergie alimentaire à manifestation digestive, etc.), la quantité d’IgG anti-aliments détectées peut être très élevée, témoignant d’une altération de la barrière intestinale.

Risques des régimes d’éviction sur la base des dosages d’IgG anti-aliments

Outre les carences alimentaires, ces régimes excluant parfois plusieurs dizaines d’aliments peuvent entraîner des troubles de développement chez l’enfant, comme ce fut le cas aux États-Unis de cet enfant arrivé aux urgences dans un état de Kwashiorkor(12). L’exclusion prolongée des aliments peut aussi provoquer des néophobies alimentaires. Dans certains cas, le diagnostic d’une autre affection peut être retardé, comme par exemple une allergie alimentaire vraie, avec un risque d’accident anaphylactique lors d’une réintroduction de l’aliment. Enfin, ces régimes sont source de dépenses non justifiées pour l’achat d’aliments de substitution et de compléments alimentaires.

Position des sociétés savantes et des autorités ordinales

Dès 2005, la Société suisse d’immunologie et d’allergologie avait déclaré ces tests inutiles et insuffisamment éprouvés(13). En 2008, l’Académie européenne d’allergologie et d’immunologie clinique a confirmé que ces tests ne sont pas recommandés pour le diagnostic d’intolérance alimentaire(14). Cette position a été approuvée par l’Académie américaine d’allergologie en 2010(15). En 2015, un article mettant en garde contre l’utilisation inappropriée du dosage des IgG anti-aliments pour établir des régimes d’éviction destinés à « soigner » diverses pathologies, rappelle qu’en France un médecin biologiste a été condamné à un mois d’interdiction d’exercice pour publicité mensongère(16).
Ce médecin biologiste avait diffusé et vanté auprès des médecins prescripteurs une technique insuffisamment éprouvée, ce qui est contraire au Code de déontologie médicale. La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a reconnu que « le dosage d’IgG anti-aliments est scientifiquement non fondé, médicalement sans intérêt et potentiellement dangereux ».

 

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L’urticaire chronique: Les médicaments déconseillés ou contre-indiqués

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Par Frédéric AUGEY, service d’immunologie clinique et allergologie, Centre hospitalier Lyon-Sud

Il est à présent admis que l’urticaire chronique (UC) est une maladie inflammatoire chronique due à un seuil bas d’activation des mastocytes (hypothèse du mastocyte « fragile »), dans un contexte fréquent d’atopie et surtout d’auto-immunité. L’hyperréactivité à de nombreux médicaments au cours de cette affection peut rendre très difficile la prise en charge thérapeutique de certains patients. Entre peurs infondées et réalité clinique, il est important de faire des recommandations personnalisées en matière de médicaments, visant à éviter les interdits inutiles mais aussi les poussées d’urticaire !

Mécanismes de l’urticaire médicamenteuse

Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, l’apparition d’une urticaire aiguë (figure 1) et plus généralement d’une éruption au cours d’un traitement médicamenteux était invariablement qualifiée d’allergique et justifiait un interdit définitif. Depuis, une meilleure maîtrise des tests aux médicaments a permis de constater que l’urticaire médicamenteuse allergique par pontage des IgE sur les mastocytes/basophiles n’était pas la règle mais l’exception, notamment lorsque plaques et/ou angio-œdème ne sont pas associés à des signes extracutanés(1). Dans plus de 90 % des cas, il s’agit en fait de réactions d’hypersensibilité « immédiate» non allergiques (HSNA) par stimulation non spécifique des mastocytes qui ne durent le plus souvent que quelques jours. Il n’est pas rare cependant qu’un médicament initie ou surtout exacerbe une UC. Un récepteur aux opiacés et à la codéine est connu depuis longtemps. Des études récentes ont montré que MRGPRX2, récepteur mastocytaire, jouerait un rôle central dans l’urticaire par HSNA par sa liaison à de nombreux peptides et médicaments de faible poids moléculaire dont les quinolones et les curares(2).

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Figure 1. Urticaire aiguë figurée de l’enfant.

Médicaments à risque d’urticaire

Les antibiotiques, notamment les bêtalactamines, les produits de contraste iodés, les antalgiques, surtout morphiniques, et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont les plus fréquemment impliqués dans la survenue d’urticaires médicamenteuses par HSNA. Ainsi, l’hypersensibilité non allergique aux AINS affecte 0,6 à 2,5 % de la population générale, et jusqu’à 40 % des patients atteints de polypose nasale(3), contrastant avec le caractère exceptionnel de l’hypersensibilité allergique immédiate. Le délai d’apparition de l’urticaire avec ces AINS est inférieur à 1 h dans 80 % des cas(4), ce qui est inhabituel dans l’HSNA.

Plusieurs familles sont concernées dans près de 90 % des cas, la prépondérance des dérivés propioniques (dont l’ibuprofène) et de l’aspirine ne reflétant probablement que leur fréquente utilisation. De 21 à 30 % des urticariens chroniques ont une HSNA aux AINS, mais une large proportion de ces patients les tolère à nouveau lorsque l’UC est en rémission(4). Il faut toujours garder à l’esprit que chaque médicament, même le plus anodin, peut « irriter » le mastocyte et être responsable ou co-responsable d’une poussée d’urticaire. Ceci peut être aussi exceptionnellement observé avec les anti-H1 et les corticoïdes (urticaires paradoxales), voire des topiques (antiacnéiques, décontractants musculaires, etc.).

Situations à risque

Hormis pour les classes les plus à risque d’HSNA ou en cas de forte posologie, il est rare que la prise d’un médicament suffise à déclencher à elle seule une poussée d’urticaire. L’initiation simultanée de plusieurs traitements multiplie, en revanche, le risque d’une telle poussée (effet cocktail). Ce risque est maximal en cas d’association d’antibiotiques et d’AINS, prescription hélas fréquente. D’autres facteurs sont à prendre en considération : asthénie, états infectieux, notamment viraux, chaleur, fièvre élevée, situations de stress psychologique, traumatismes, sevrage en corticoïdes et bien sûr mastocytose. La petite enfance avec son cortège d’infections virales est une période à risque d’HSNA, du fait d’un rapport poids/posologie défavorable.

De nombreux enfants sont ainsi déclarés à tort « allergiques » aux bêtalactamines et s’en trouvent pénalisés par la suite. La chirurgie, y compris dentaire, est une situation délicate du fait de l’administration concomitante en période de stress de multiples traitements anesthésiques, antalgiques et antibiotiques. Des UC peuvent enfin voir le jour par effet rebond à la phase de sevrage d’une corticothérapie générale prescrite, à tort de notre point de vue(5), pour soulager des urticaires aiguës ou plus rarement des douleurs aiguës (angines, sinusites, lumbagos).

Prévention de l’urticaire Iatrogène

Pour prévenir ou limiter les réactions d’urticaire par HSNA, il convient d’abord d’identifier les patients à risque. Ceci est aisé lorsqu’un patient se prévaut de multiples urticaires médicamenteuses (et affirme « être allergique à tout »). Exceptionnellement, à l’inverse, l’HSNA est limitée à une classe thérapeutique. La notion d’une double intolérance aspirinepénicilline est, dans notre expérience, un bon marqueur de risque ainsi qu’une UC active. La seconde mesure fait appel au bon sens : un médicament ne doit être pris qu’à bon escient, ce qui ne va pas toujours de soi. Les traitements prescrits par facilité, tels AINS ou corticoïdes dans les états infectieux, les médicaments de confort sont à éviter chez l’urticarien. Une monothérapie doit être la règle et non l’exception. Lorsque plusieurs traitements s’imposent, les posologies doivent être plutôt basses, les prises fractionnées, l’introduction échelonnée.

Les produits de contraste iodés, de préférence non ioniques, et les traitements parentéraux sont à administrer doucement. En cas d’indication importante d’AINS, les anti-Cox2 sont à privilégier car ils induisent une production moindre de leucotriènes que les anti-Cox1, mais leur meilleure tolérance ne se vérifie qu’en l’absence d’HSNA au paracétamol(3). S’il y a une situation à risque, un anti-H1 de 2e génération à titre préventif sera débuté 2 ou 3 jours avant et prolongé de même. Les anti-H1 de première génération, telle l’hydroxyzine, ne sont utiles qu’immédiatement avant un geste à risque. Les antileucotriènes (montelukast) peuvent être utilisés pour prévenir les urticaires aux AINS (plus rarement à d’autres médicaments).

À l’inverse, aucun geste ou traitement n’est contre-indiqué a priori chez l’urticarien chronique, mais une poussée incite bien sûr à les différer. Il est important d’expliquer au patient que les urticaires par HSNA ne présentent pas de risque vital même en cas d’angio-œdème et que le degré d’hypersensibilité varie au cours de la vie. Un asthme actif ou un syndrome de Fernand Widal associés à l’urticaire requièrent cependant une particulière vigilance, car l’hyperréactivité bronchique peut être asphyxiante.

Que faire si un médicament a déjà induit une poussée ?

Lorsqu’un médicament important ayant déjà induit une poussée d’urticaire mérite d’être repris, il faut affiner l’interrogatoire (encadré) qui permet le plus souvent à lui seul de distinguer HSNA et allergie médicamenteuse. En cas d’éléments discordants ou d’interrogatoire peu informatif, des tests (pricks, figure 2, et IDR) deviennent nécessaires, d’autant plus qu’il s’agit de bêtalactamines.

Ils doivent être réalisés dans une unité hospitalière spécialisée et suivis d’une réintroduction du médicament s’ils sont négatifs. En cas d’allergie démontrée, l’étude de réactions croisées permet souvent de proposer des alternatives. La décision de réaliser ou non des tests doit tenir compte aussi d’un patient réticent ou à l’inverse d’une situation d’urgence.

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Figure 2. Prick positif à l’amoxicilline (témoin positif : histamine).

Et en cas d’angio-œdème ?

La survenue d’un angio-œdème sous médicament est, contrairement à une idée répandue, tout à fait compatible avec une HSNA. Devant un angio-œdème isolé, sans plaques associées, se pose cependant la question de son origine bradykinique. La résistance aux anti-H1et/ou aux corticoïdes et la prise d’un médicament à risque d’angiooedème bradykinique (IEC, sartan, gliptine, inibiteur de m-TOR, estrogène ou anti-androgène) sont en faveur de la première hypothèse et incitent à son arrêt définitif du fait de la gravité potentielle. À l’inverse, un angio-œdème même isolé répondant bien aux anti-H1 donc présumé histaminique, sans critère en faveur d’une hypersensibilité allergique (encadré ci-dessous), autorise la poursuite ou reprise du traitement quel qu’il soit. Il existe cependant de rares formes mixtes bradykinique et histaminique d’angio-oedème pour lesquelles la conduite à tenir reste à définir(6).

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Traitements de l’urticaire chronique : précautions d’emploi

Antihistaminiques H1

Les anti-H1 de 2e génération doivent être privilégiés à tout âge. Ils n’ont pas d’AMM pour le nourrisson (desloratadine après un an, loratadine, cétirizine et lévocétirizine après 2 ans, autres molécules après 12 ans). Les anti-H1 de 1re génération sont déconseillés chez le jeune enfant (somnolence) et surtout chez la personne âgée(7) où les effets anticholinergiques et alphabloqueurs induisent de multiples effets adverses y compris cardiovasculaires et psychiatriques. En France, le Centre de références des affections tératogènes considère comme utilisables à posologie AMM, quel que soit le terme de la grossesse et en cours d’allaitement, cétirizine, lévocétirizine, loratadine, desloratadine, fexofénadine, (azélastine seulement en cours d’allaitement). Des ajustements posologiques sont parfois nécessaires pour certains anti-H1 (tableau ci-dessous), tandis que des antécédents de troubles du rythme cardiaques et notamment de QT long inciteront à éviter, outre les anti-H1 de 1re génération, ébastine, rupatadine, et mizolastine.

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Autres traitements de l’urticaire chronique

L’omaluzimab a une AMM européenne dans le traitement de l’UC « spontanée » depuis février 2014 en cas d’effet insuffisant des anti-H1. Il est contre-indiqué avant 12 ans, chez la femme enceinte ou allaitante. Une helminthiase doit au préalable être recherchée au sein ou au retour d’une zone d’endémie. Des antécédents de syndrome de Churg et Strauss incitent à la prudence. De nombreux autres traitements sont encore utilisés hors AMM dans cette affection : parmi eux, le montelukast a pour principales contre-indications l’enfant de moins de 15 ans et l’allaitement, la ciclosporine, l’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale, le méthotrexate, les insuffisances hépatique et rénale sévères, une cytopénie préexistante, la grossesse et l’allaitement.

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3. Doña I, Blanca-López N, Jagemann LR et al. Response to a selective COX-2 inhibitor in patients with urticaria/ angioedema induced by nonsteroidal anti-inflammatory drugs. Allergy 2011 ; 66 :1428-33. Rechercher l’abstract
4. Doña I, Blanca-López N, Torres MJ et al.NSAID-induced urticaria/angioedema does not evolve into chronic urticaria: a 12-year follow-up study. Allergy 2014 ; 69 : 438-44. Rechercher l’abstract
5. Augey F, Nosbaum A, Berard F et al. Corticosteroids should not be used in urticaria because of the potential risk of steroid dependence and development ofsevere anti-H1- resistant urticarial. Eur J Dermatol 2011; 21: 1. Rechercher l’abstract
6. Giard C, Nicolie B, Lefebvre-Lacoeuille C et al.Angioedema induced by oestrogen contraceptives is mediated by bradykinin and is frequently associated with urticarial. Dermatology 2012 ; 225 : 62-9. Rechercher l’abstract
7. Zuberbier T, Aberer W, Asero R et al. The EAACI/GA(2)LEN/EDF/WAO Guideline for thedefinition, diagnosis and management of urticaria: the 2013 revision and update. Allergy 2014 ; 69 : 868-87. Rechercher l’abstract

BPCO – Exacerbations aiguës – Embolie pulmonaire

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Prévalence et localisation des embolies pulmonaires (EP) dans les exacerbations aiguës non expliquées de BPCO : une revue systématique et méta analyse.

ALEVA F. E. et al.Chest,2017,151,3,544-554

http://journal.publications.chestnet.org/article.aspx?articleID=2545771

La prévalence, la localisation des embols, la pertinence clinique et les marqueurs cliniques d’EP dans les exacerbations aiguës inexpliquées de BPCO (EAI-BPCO) ont été déterminées à partir de 22 articles dont 7 études ont été incluses.

La prévalence poulée d’EP dans les EAI-BPCO a été de 16,1% sur un total de 880 patients. 68% des embols ont été localisés dans les gros troncs des artères pulmonaires, les artères lobaires ou inter lobaires. La mortalité et la durée des hospitalisations a semblé être augmentées chez les patients avec EAI-BPCO et EP. Une pleurodynie et une insuffisance cardiaque ont été plus fréquemment rapportés chez les patients souffrant d’EAI-BPCO avec EP. À l’inverse, des signes d’infection du tractus respiratoire ont été moins fréquemment reliés à l’EP.

En conclusion, l’EP est fréquemment retrouvée dans les EAI-BPCO. Deux tiers des embolies ont été trouvées dans des endroits qui ont une claire indication pour un traitement anticoagulant. Ces résultats méritent une attention clinique. L’EP doit recevoir une attention accrue chez les patients souffrant d’EAI-BPCO, particulièrement quand il existe des pleurodynies et des signes d’insuffisance cardiaque sans qu’une origine infectieuse claire ait pu être identifiée.

(Commentaire :

C. Krespine