Intérêts de l’échoendoscopie bronchique linéaire et radiaire dans les pathologies pulmonaires

Les techniques d’échographie endobronchique représentent depuis 2007 en France une des plus grandes avancées diagnostiques en pneumologie. Elles associent deux techniques : les ponctions transbronchiques médiastinales ou parenchymateuses à l’aiguille, échoguidées par échoendoscope linéaire et les prélèvements bronchiques distaux, échoguidés par mini-sonde radiale. Ces deux techniques complémentaires permettent le diagnostic des cancers bronchopulmonaires, mais aussi des métastases de cancers extrathoraciques et des pathologies non cancéreuses, telles la sarcoïdose ou la tuberculose. Elles sont considérées comme des techniques « mini-invasives » et permettent souvent, en cas de positivité, d’éviter un prélèvement chirurgical ou une ponction sous scanner. Leur défaut principal est représenté par leur coût en investissement et consommables, mais le service rendu au patient est indéniable.

Historique(1)

Les techniques de ponction transbronchique à l’aiguille (PTBA) d’adénopathies médiastinales sans repérage échographique sont décrites dès 1949 (Schiepatti et coll.),mais se popularisent à partir de 1985 grâce aux travaux de Wang et coll.(2,3) qui en démontre la faisabilité en fibroscopie souple. La rentabilité diagnostique de la technique est cependant très dépendante du niveau d’entraînement des opérateurs, ce qui a nettement réduit le développement de la PTBA dans la communauté pneumologique.

L’idée d’un guidage par échographie voit le jour, mais alors que les progrès de la miniaturisation ont permis un essor rapide de l’échographie endodigestive (échoendoscopie œsophagienne, EUS), de nombreuses contraintes techniques retardent le développement d’échoendoscopes bronchiques. C’est seulement au début des années 2000 que l’échographie endobronchique se développe et que les échoendoscopes endobronchiques linéaires à l’aiguille (EBUS-PTBA) montrent rapidement d’excellentes performances diagnostiques, comme en témoignent les publications de Herth et coll. et de Yasufuku et coll.(4,5). Les prélèvements bronchiques distaux échoguidés par mini-sonde radiale se développent en parallèle avec des performances tout aussi intéressantes(6,7).

Matériel

L’échoendoscope linéaire intègre un vidéoendoscope avec canal opérateur et une sonde d’échographie linéaire. Trois sociétés commercialisent des échoendoscopes : Fujinon, Olympus et Pentax (figure 1).

alt

Figure 1. Échoendoscopes des marques Fujinon®(A), Olympus®(B) et Pentax®(C).

Bien qu’ils permettent de visualiser globalement les bronches (avec une vision à 30 ° pour les appareils Olympus® et Pentax®, 10° pour le Fujinon®), ils ne sont pas prévus pour cela car ils ont une définition vidéo nettement moins bonne que les vidéobronchoscopes standard et un diamètre plus important limitant l’exploration au-delà des bronches segmentaires, voire lobaires. Pour obtenir les images échographiques, la sonde d’échographie est connectée soit à un dispositif dédié (Fujinon et Olympus), soit à un appareil d’échographie standard (chez les trois sociétés) ; l’ensemble étant également connecté au processeur de vidéoendoscopie de la même marque. Un mode Doppler énergie ou couleur est disponible selon le processeur échographique utilisé.

Les performances de ces dispositifs étant similaires, le choix doit être surtout guidé par le type de colonne de vidéoendoscopie déjà disponible dans le service ou en projet d’achat, et les garanties obtenues en termes de maintenance et de SAV de ces appareils plutôt fragiles. Les aiguilles de ponctions sont actuellement commercialisées par trois sociétés (Cook, MediGlobe et Olympus). Les mini-sondes d’échographie sont commercialisées par les sociétés Fujinon et Olympus, mais seule la seconde a développé des mini-sondes dont le diamètre est compatible avec le canal opérateur des bronchoscopes souples « standard » de 2 mm (sonde Olympus UM-S20 17S de 1,4 mm de diamètre distal utilisable avec les kits de prélèvements K-201 et K-202, figure 2).

alt

Figure 2. Minisonde et processeur dédié de marque Olympus®.

Cet élément est important car cela permet l’utilisation des nouveaux bronchoscopes plus fins de la société Olympus (BFMP60 et BF-MP160, avec un diamètre distal de 4 mm et un canal opérateur de 2 mm) qui permettent d’explorer les bronches de façon plus distale et donc de positionner la minisonde de façon optimale. Les autres mini-sondes nécessitent des bronchoscopes dits « thérapeutiques », avec un canal opérateur de 2,6 mm ; ce qui est problématique dans le cadre de prélèvements de lésions distales.

Procédure

Les actes sont réalisés dans les mêmes conditions qu’un acte de bronchoscopie standard, mais comme les examens ont tendance à être plus longs, très peu d’équipes les réalisent sous anesthésie locale seule. En France, les deux tendances actuelles sont soit de réaliser les actes sous anesthésie locale et sédation (avec utilisation de midazolam, par exemple), soit sous anesthésie générale (avec masque laryngé, par exemple).

EBUS-PTBA (figure 3)

Un ballonnet rempli de sérum physiologique est disposé sur la sonde linéaire au bout de l’appareil pour améliorer le contact et la transmission des ultrasons. L’appareil est introduit par la bouche, protégé par un caledents (il est théoriquement possible de l’introduire par le nez, si l’anatomie des fosses nasales le permet). L’extrémité est ensuite appliquée contre la paroi trachéale ou bronchique dans la zone repérée sur le scanner thoracique et/ou le TEP-scanner que l’on veut ponctionner. Une fois la lésion repérée (le plus souvent une adénomégalie de caractère hypoéchogène), il est possible d’analyser sa vascularisation grâce au Doppler, d’évaluer ses caractéristiques élastiques en élastographie (avec Pentax® uniquement pour le moment, Olympus® dans un futur proche), technique dont l’intérêt potentiel est encore en cours d’évaluation.

La ponction est ensuite réalisée en vision directe, puis le matériel est récupéré et adressé au laboratoire d’anatomopathologie. Il est important de savoir que la gestion des prélèvements obtenus nécessite une étroite collaboration entre l’équipe de pneumologie et d’anatomopathologie, et compte beaucoup dans la rentabilité diagnostique. Les modes de gestion de ces prélèvements (étalements directs sur lame, séchage à l’air ou à la laque, colorations diverses, cytologie en couche mince ThinPrep®, microbiopsies par cytoblock ou à partir du culot de centrifugation, congélation, etc.) sont très « centres-dépendants », et les praticiens doivent donc s’adapter aux demandes des médecins anatomopathologistes.

Certains centres ont le luxe d’avoir un médecin anatomopathologiste sur place qui interprète en direct les lames (ROSE : Rapid on-site examination) et si cette technique n’a pas prouvé « formellement » qu’elle améliorait le rendement diagnostique d’équipes entraînées, elle reste très intéressante pour les équipes débutantes et constitue un confort indéniable pour le pneumologue.

alt

Figure 3. Échoendoscopie réalisée sous anesthésie locale et sédation.

Prélèvements bronchiques distaux échoguidés par minisonde radiale (figure 4)

L’examen étant réalisé avec un bronchoscope souple standard, le recours à l’anesthésie locale seule est plus fréquent que dans l’EBUS-PTBA. La mini-sonde est placée dans un cathéter et en dépasse d’environ 1,5 cm, on positionne le bronchoscope le plus loin possible dans le segment concerné par la lésion distale, puis on pousse la mini-sonde dans la bronche sous-segmentaire avec analyse échographique, en espérant trouver la bronche drainant la lésion.
Comme on ne peut pas diriger la mini-sonde, la probabilité d’aller au bon endroit dépend du nombre de bifurcations bronchiques pour atteindre la lésion. Une fois la lésion repérée, la minisonde est retirée du cathéter qui est laissé en place au bon endroit. On introduit successivement une brosse et une pince à biopsie dans ce dernier pour réaliser les prélèvements anatomopathologiques. Des vérifications régulières de la position du cathéter sont effectuées en réintroduisant la mini-sonde.

alt

Figure 4. Images obtenues en mini-sonde radiale.

Apprentissage

Les deux techniques nécessitent un apprentissage qui au mieux devrait comprendre une partie théorique (indications, performance, anatomie médiastinale et corrélations scanner/échographie médiastinale, maniement de l’échoendoscope, de l’aiguille, de la mini-sonde), un entraînement sur simulateur haute fidélité (actuellement disponible dans les facultés de médecine de Brest et de Lille, mais amené à se développer ailleurs) et un apprentissage sur patient sous la supervision d’un endoscopiste expérimenté (10 à 20 procédures paraissent suffisantes pour se lancer seul).

Performances diagnostiques(1)

EBUS-PTBA

• Les performances sont excellentes ! La longueur des aiguilles de ponction (permettant des ponctions de 0 à 4 cm de profondeur) et le guidage en temps réel sont les deux éléments principaux qui expliquent ces performances, notamment par comparaison aux ponctions à l’aiguille sans repérage échographique. De plus, il faut bien comprendre que chaque diagnostic posé en EBUS-PTBA permet potentiellement d’éviter une médiastinoscopie ou un abord chirurgical diagnostique. Les conséquences positives pour les patients et en termes médico-économiques sont donc certaines. À titre d’exemple, les résultats préliminaires de l’étude médico-économique EVIEPEB(8) ont montré que le recours à l’EBUS-PTBA permettait d’éviter 79,1 % de médiastinoscopies, avec une économie de 1 610 euros par patient.

• Les indications pour lesquelles l’EBUS-PTBA est reconnue sont :
– le diagnostic de cancer (thoracique ou extrathoracique) par ponction d’adénomégalies médiastinales suspectes d’être métastatiques (au mieux guidées par la fixation en TEPscanner) ;
– le staging ganglionnaire préopératoire du cancer bronchique et le « restaging » (« down-staging » des Anglo-Saxons) ;
– le diagnostic des masses parenchymateuses avec contact trachéo-bronchique ;
– le diagnostic de sarcoïdose (sous réserve d’un tableau clinique et radiologique tout à fait compatible), de tuberculose et de mycobactérie atypique ;
– le diagnostic de récidive de lymphome (quelques publications font état de la possibilité de primodiagnostic de lymphome sous réserve de nombreuses ponctions et de gestion particulière des prélèvements obtenus).

• Les performances diagnostiques sont résumées dans le tableau. Il est important de noter que dans le diagnostic et le bilan d’un cancer bronchopulmonaire, l’EBUS-PTBA est souvent incontournable, ce d’autant plus qu’il est tout à fait possible de réaliser des recherches de mutations (EGF-R, KRAS, translocation ALK-EML4, B-RAF, etc.) sur les prélèvements obtenus(9), ce qui ne fait que renforcer son intérêt au vu de l’essor actuel des thérapies ciblées.

Prélèvements bronchiques distaux échoguidés par mini-sonde radiale

• L’indication principale est le diagnostic de lésion suspecte périphérique (cancer thoracique ou extrathoracique). Bien qu’inférieure aux performances obtenues en ponction sous scanner (sensibilité poolée à 90 %(10)), la technique de mini-sonde présente plusieurs atouts. Elle peut, d’une part, être réalisée dans le même temps que la première bronchoscopie souple (sous réserve d’être équipé), afin d’éviter au patient de réaliser plusieurs examens.
L’idéal serait de sélectionner les patients chez lesquels il est probable que la lésion ne soit pas accessible en bronchoscopie souple standard pour les référer d’emblée en examen par mini-sonde. Elle provoque, d’autre part, beaucoup moins de complications (pneumothorax) qu’une ponction sous scanner. Elle évite également d’immobiliser le scanner pour un seul patient pour une période prolongée. La sensibilité poolée de la technique est évaluée à 73 %(11), avec des performances diagnostiques variant de 58 à 86 %(12).

• Il est certain que les performances de la technique sont très « opérateur-dépendant » et c’est sans doute ce qui a limité jusque-là en France sa diffusion (moins de 15 centres équipés actuellement).

Complications

Les complications graves sont très rares. Ce sont globalement celles de la bronchoscopie souple standard, auxquelles on ajoute quelques complications spécifiques rapportées dans des cas publiés : médiastinite, hémomédiastin, embolie gazeuse, pneumothorax, etc.

Conclusion

Il n’est pas exagéré de dire que l’EBUS-PTBA et la mini-sonde représentent une révolution majeure de ces dernières années en endoscopie respiratoire. Ces deux techniques ont totalement modifié l’approche diagnostique de nombreuses pathologies et, en particulier, des cancers broncho-pulmonaires. Il est certain qu’elles vont poursuivre leur développement et que, dans un avenir proche, elles feront partie de l’arsenal bronchoscopique basique de tout pneumologue.

Article paru dans OPA pratique du 2 Novembre 2015

Auteur : C. FOURNIER, Service d’endoscopie respiratoire, hôpital Calmette, pôle cardiovasculaire, CHRU de Lille

Références

Cliquez sur les références et accédez aux Abstracts sur pubmed

BPCO – Antibiotiques – Bronches

Effets des différentes classes d’antibiotiques sur les bactéries des voies aériennes dans les BPCO stables en utilisant la culture et les techniques moléculaires : un essai randomisé contre placebo.

BRILL S. E. et al.Thorax 2015- 70- 10-930-938

http://thorax.bmj.com/content/70/10/930.abstract

Un essai de recherche a été conduit sur 99 BPCO stables randomisés pour comparer l’intérêt de 3 régimes d’antibiotiques versus placebo afin de rechercher si une antibiothérapie à long terme réduit le nombre de bactéries des voies aériennes (VA). Les patients ont reçu de façon randomisée contre placebo, en simple aveugle, soit Moxifloxacine 400mg/jour pendant 5 jours toutes les 4 semaines, soit Doxycycline 100mg/jour, Azythromycine 250mg/jour- 3 fois par semaine vs 1 placebo par jour pendant 13 semaines.

86 patients ont complété la surveillance, ont été capables d’expectorations et ont été analysés, Après ajustement, il y a eu une réduction non significative de la charge bactérienne respectivement de 0.42 Log10 cfu/mL sous Moxifloxacine, 0,11 sous Doxycycline et 0.08 sous Azythromycine vs placebo. Il n’y a pas eu également de modifications significatives de la charge bactérienne mesurée par qPCR 16s ou inflammation des VA. Le plus d’effets adverses en lien avec le traitement est survenu avec Moxifloxacine. À noter, les concentrations inhibitrices moyennes des isolats en culture ont augmenté d’au moins 3 fois par rapport au placebo dans tous les bras thérapeutiques.

Au total, la charge bactérienne globale des VA n’a pas diminué significativement après 3 mois d’antibiothérapie. Il a été vu de fortes augmentations de la résistance à l’antibiotique dans tous les groupes de traitement et ceci a d’importantes implications pour de futures études.

(Commentaire:

C. Krespine

SAOS & Insomnie : Association fortuite ou comorbidité ?

SAOS et insomnie sont les deux troubles du sommeil dont la prévalence est la plus élevée dans la population générale (2 à 4% pour le SAOS(1), 9 à 13%(2) pour l’insomnie chronique) avec dans la littérature jusqu’à 50% de prévalence pour le phénomène en ce qui concerne l’association SAOS + insomnie selon les séries(3,4), que le SAOS soit diagnostiqué dans des populations d’insomniaques ou vice versa(5,6).

L’insomnie et le SAOS ont en commun de nombreux symptômes. En effet, l’insomnie se définit comme la perception d’une insuffisance de l’installation ou du maintien du sommeil, mais aussi comme un « mauvais » sommeil, ou un sommeil non récupérateur, associé à des symptômes diurnes. Ces perturbations du fonctionnement diurne sont une conséquence des perturbations du sommeil nocturne (selon la définition de l’insomnie maladie dans l’ICSD-2). Ces symptômes diurnes peuvent en réalité caractériser aussi bien les sujets apnéiques que les sujets insomniaques. La somnolence, la fatigue, les troubles de mémoire ou de concentration, les troubles de l’humeur, la diminution de la qualité de vie, de l’énergie pour faire les choses, le risque d’accident, les erreurs lors de l’exécution de tâches sont des signes non spécifiques que l’on peut retrouver dans l’une ou l’autre pathologie…

Comment évaluer l’insomnie chez le sujet apnéique ?

Un outil simple, reproductible et validé pour la détection et le suivi de l’insomnie, en population générale comme sur des populations d’apnéiques, est l’échelle de sévérité d’insomnie, ou score ISI(7). Ses items sont calqués sur les critères de la classification internationale, et le seuil de positivité pour ce score est de 15. Une baisse d’au moins 8 points du score ISI indique une amélioration de l’insomnie sous traitement(8).

En raison de la fréquence de l’association SAOS et insomnie, il semble raisonnable de rechercher systématiquement cette dernière chez les apnéiques, lors du diagnostic initial, en utilisant l’ISI.

SAOS et insomnie : association fortuite ou comorbidité ?

L’observation conjointe de symptômes de SAOS et d’insomnie peut correspondre soit à l’association fortuite de deux pathologies fréquentes dans la population générale, soit à une comorbidité SAOS-insomnie, sousentendant qu’il existe une relation de cause à effet entre les deux pathologies, l’une générant et/ou aggravant l’autre. Des arguments militent en faveur d’une comorbidité.

S’il semble plus difficile d’imaginer comment l’insomnie pourrait être à l’origine de troubles respiratoires du sommeil (il a cependant été avancé que l’instabilité du sommeil et l’augmentation relative des stades légers de sommeil pourraient favoriser la survenue des événements respiratoires anormaux), la compréhension est en revanche plus aisée pour le phénomène inverse : les arrêts respiratoires à répétition sont à l’origine d’une stimulation accrue du système nerveux sympathique, par le biais de l’hypoxémie intermittente et de la fragmentation du sommeil, ce qui facilite l’éveil. Cette stimulation de l’éveil favorise l’insomnie.

Enfin, un argument essentiel pour l’existence d’une relation de cause à effet entre SAOS et insomnie est l’amélioration des symptômes d’insomnie lors du traitement du SAOS par PPC. Nous avons évalué en 2010 l’évolution de l’insomnie sous traitement, à l’aide du score ISI, chez 80 sujets présentant un SAOS, traités par PPC pendant 24 mois(9). Pour l’ensemble du groupe, nous avons observé une amélioration significative du score ISI global. Chez les sujets qui présentaient lors du diagnostic de SAOS une insomnie significative clinique selon l’ISI, une amélioration significative de ce score avec une baisse moyenne de 13 points était observée pour la moitié d’entre eux. Chez ces sujets insomniaques initialement, qui ont amélioré leur insomnie sous PPC, on trouvait à l’état de base un SAOS plus sévère et une somnolence initiale plus importante que chez les insomniaques non améliorés. Chez ces sujets, qui n’améliorent pas leurs symptômes d’insomnie sous PPC, il est donc nécessaire de vérifier s’il n’existe pas une autre étiologie ou comorbidité : notion d’une insomnie primaire préexistante, syndrome anxieux ou dépressif, autres troubles de nature psychologique ou psychiatrique, syndrome des jambes sans repos…

L’insomnie risque-t-elle de compromettre la mise en route, puis l’utilisation de la PPC ?

On peut, en effet, redouter qu’un traitement contraignant comme la PPC n’entraîne des troubles du sommeil, voire n’aggrave des problèmes de sommeil préexistants.

Nous avions en 2010 évalué l’impact d’une insomnie clinique préexistante sur le traitement par PPC chez 148 sujets apnéiques(4). L’étude a permis de confirmer que l’insomnie présente lors du diagnostic n’était pas un facteur prédictif d’abandon précoce (avant le 6e mois) de la PPC, ni d’observance au long cours (mesurée au 6e mois).

La faible sévérité du SAOS ainsi que la faible utilisation de la PPC au cours des premières semaines étaient les principaux facteurs prédictifs d’abandon précoce de la PPC. Le niveau d’insomnie observé à la mise en route du traitement n’influait pas sur l’observance à venir : l’observance précoce mesurée à 1 mois étant le meilleur facteur prédictif de la poursuite du traitement au long cours.

Traitement du SAOS avec insomnie

Le SAOS doit être traité, notamment car c’est un facteur de risque cardiovasculaire. Dans l’insomnie, c’est la restriction du temps de sommeil qui, par le biais des perturbations du métabolisme glucidique, risque aussi d’entraîner un syndrome métabolique. Traiter les deux affections ne peut être que bénéfique pour prévenir le risque vasculaire.

Dans le cas de la comorbidité SAOS et insomnie, la PPC est efficace sur les symptômes d’insomnie(9), ce qui justifie sa mise en route en première intention.

Par ailleurs, l’insomnie déjà présente au moment de l’initiation de la PPC ne va pas avoir d’influence négative sur l’observance, y compris au long cours(4) ; elle ne doit donc pas être un frein à l’appareillage. On peut faire appel, si nécessaire, à un traitement pharmacologique d’appoint, provisoirement (prescription d’hypnotiques purs, par exemple) pour passer un cap difficile.

Dans un second temps, si l’insomnie persiste sous traitement par PPC, il faut évoquer un autre type d’insomnie : insomnie primaire, insomnie secondaire à une autre pathologie. Son identification permettra de mettre en route les mesures adaptées, pharmacologiques (traitements hypnotiques, anxiolytiques, antidépresseurs, mélatonine…) et/ou non pharmacologiques, comme les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) en cas d’insomnie primaire.

A noter que les troubles anxieux et la dépression sont connus pour être les premières causes des insomnies secondaires.

A retenir

  • L’association insomnie-syndrome d’apnées du sommeil est fréquente.
  • Une insomnie préexistante ne doit pas faire craindre un rejet de la PPC ou une plus mauvaise observance. Ce traitement peut améliorer les symptômes d’insomnie.
  • En cas d’insomnie persistante sous PPC, il convient de rechercher des facteurs favorisants, tels que l’anxiété et la dépression. 

alt

Figure 1. Conduite à tenir devant SAOS et insomnie.

 

Publié le 18 Nov 2015 dans Cardiologie-pratique.com , par

X.-L. NGUYEN, CETTSSA, hôpital Saint-Antoine, Paris

Références

Cliquez sur les références et accédez aux Abstracts sur pubmed

Sarcoïdose – Pronostic – Marqueurs

Marqueurs pronostiques de la Sarcoïdose: une analyse de patients en pratique pneumologique quotidienne.

DOUBKOV M. et al. Clin Respir J 2015/9-4443-449

http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/crj.12160/abstract?campaign=woletoc

Le devenir des patients souffrant de Sarcoïdose et les facteurs influençant le comportement de la maladie en pratique quotidienne ont été analysés rétrospectivement chez 306 patients consécutifs dont 181 femmes et 125 hommes d’âge moyen 45 ans avec un diagnostic de Sarcoïdose entre 2003 et 2012.

Par l’intermédiaire d’une analyse uni paramétrique, il a été déterminé que le stade de la maladie, l’implication d’un organe, le rapport CD4/CD8 dans le LBA, les taux de calcémie et calciurie, le tabagisme et les fonctions pulmonaires avaient une influence significative sur la résolution spontanée de la Sarcoïdose. Une analyse multi paramétrique a montré que la résolution spontanée était significativement influencée de façon positive par le sexe féminin, un stade peu évolué de la maladie, un rapport CD4/CD8 élevé dans le LBA, une lymphocytose du LBA et des fonctions pulmonaires normales au moment du diagnostic. Au cours du suivi, seuls 3 patients sont décédés. Les causes de leur mort étaient une insuffisance respiratoire avec pneumonie (n=2) et une atteinte cardiaque par diffusion de la Sarcoïdose (n=1).

En conclusion, ces résultats présentent la Sarcoïdose comme une pathologie avec de grandes variabilités des éléments cliniques et de laboratoire mais avec un bon pronostic général.

(Commentaire:

C. Krespine

Ce que recommande l’American College of Physicians en cas de suspicion d’embolie pulmonaire

L’embolie pulmonaire (EP) par occlusion thrombotique du tronc de l’artère pulmonaire ou d’une de ses branches est très fréquente mais parfois encore difficile à diagnostiquer en présence de signes peu ou aspécifiques. Elle reste associée à une morbi mortalité élevée.

Plusieurs outils ont été développés afin d’aider la prise de décisions des praticiens. Le dosage immuno enzymatique de haute sensibilité des D-dimères, produits de dégradation de la fibrine, est utile dans certains cas. Négatif, il peut infirmer le diagnostic d’EP chez des patients avec un pré test de probabilité faible ou intermédiaire. L’imagerie par angioscanner pulmonaire (CTAP) est la méthode diagnostique la plus utilisée mais il n’existe pas de preuves que son emploi croissant ait amélioré le pronostic de la maladie. L’utilisation, voire la sur utilisation de ces techniques pourraient, de fait, ne pas modifier significativement la prise en charge des patients tout en exposant à une iatrogénie et à des coûts financiers non indispensables.

Etape initiale : le pré-test de probabilité

A S Raja et ses confrères du Comité des Recommandations cliniques de l’American College of Physicians (APC) ont réévalué les différentes prises en charge diagnostiques et leur niveau de preuve. Ils se sont appuyés sur une recherche exhaustive dans la littérature médicale de langue anglaise des articles parus de 1996 à 2014, concernant des patients adultes, hospitalisés ou non, suspects d’EP aiguë. Ils n’ont pas procédé à une revue systématique formelle mais se sont efforcés de définir les meilleures pratiques cliniques en matière de diagnostic, tirées des recommandations de nombreuses sociétés savantes, tant nord américaines qu’européennes. Ces recommandations sont fondées sur une analyse Bayésienne comportant, en premier lieu, l’élaboration d’un pré test de probabilité, fonction des antécédents, des données cliniques et de laboratoire. Ce pré test aide à déterminer si les patients, pris individuellement, nécessitent des examens complémentaires, dosage des D- dimères ou imagerie en fonction de leur risque. Le pré test est basé sur les critères originaux de Wells ou sur le score de Genève, révisé et simplifié, qui ont été amplement validés en externe. Ils autorisent notamment à ne pas pratiquer d’imagerie chez des individus avec un pré test faible, voire intermédiaire et dont les D-dimères sont normaux.

L’aide du PERC en cas de risque faible

Deux études récentes, celle de Warren et Mathews, utilisant les critères de Wells et celle de Gupta, à partir du score révisé de Genève, ont porté respectivement sur 1 679 et 330 patients. En cas de risque intermédiaire mais avec des D -dimères normaux, la sensibilité était de 99,5 et de 100 % pour l’absence d’EP au CTAP. A une date plus récente a été développé le Pulmonary Embolism Rule Out Criteria (PERC) pour aider en cas de pré risque faible et diminuer le recours au dosage des D-dimères. Ses critères sont au nombre de 8 : âge de moins de 50 ans, fréquence cardiaque de moins de 100 battements/minute, saturation en oxygène en air ambiant dépassant 94 %, absence d’œdème unilatéral de jambe, d’hémoptysie, de chirurgie ou traumatisme dans les 4 semaines précédentes, d’antécédents de maladie veineuse thrombo-embolique ou de prise d’œstrogènes. Une large méta-analyse récente a révèlé que le pourcentage d’EP méconnues quand les critères d’exclusion du PERC étaient réunis s’établissait à 0,3 % (44/14 844) ; la sensibilité étant de 97 % (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 96 à 98 %) et la spécificité de 22 % (IC : 22 à 23 %).

Six règles de bonne pratique

La recommandation pratique n° 1 de l’APC est donc que les praticiens doivent utiliser ces outils pour établir un pré-test de probabilité chez des patients suspects d’EP aigueë.

La recommandation n°2 indique que les sujets à bas risque et avec PERC nul ne doivent pas avoir de dosage des D-dimères ou, a fortiori, de CTAP.

La recommandation n°3 est en faveur du dosage des D- dimères chez les patients avec pré test intermédiaire ou chez ceux avec probabilité faible mais ne remplissant pas tous les critères PERC.

La recommandation n°4 signale que, en cas de dosage nécessaire, le seuil de positivité des D- dimères ne doit plus être arbitrairement fixé à 500 ng/mL chez tous les patients de plus de 50 ans mais idéalement ajusté à l’âge (nombre d’années x 10 ng/mL).

Règle n°5, une imagerie n’est pas requise quand le taux se situe en deçà du seuil du dosage ajusté à l’âge.

Enfin, la règle de bonne pratique n°6 indique qu’une imagerie thoracique devient nécessaire chez les patients dont le pré test de probabilité est élevé, sans alors dosage associé des D- dimères. En cas de CTAP non disponible ou contre-indiqué, on doit recourir à une scintigraphie pulmonaire de ventilation/ perfusion.

Des divergences en pratique

Malgré ces outils d’aide à la décision et les recommandations des principales sociétés savantes, force est de constater que les pratiques cliniques souvent divergent. Ainsi, par exemple, nombre de patients à bas risque ou à risque intermédiaire ont un CTAP malgré un dosage de D-Dimères sous le seuil fixé en fonction de l’âge. Surtout, à l’évidence, persiste une sur utilisation de l’imagerie thoracique par CT en cas de suspicion d’EP. Les raisons en sont multiples. Certains cliniciens peuvent prendre en compte des facteurs de risque, non inclus dans les outils bien validés. Ainsi a-t-on pu joindre aux critères de Wells la notion d’antécédents thrombotiques familiaux ou de période post partum. D’autres ont pu ajouter aux score de Genève la notion de grossesse en cours, d’une insuffisance cardiaque congestive ou d’un accident vasculaire cérébral, alors même qu’une méta-analyse récente a confirmé que la grossesse, en soi, ne représentait pas un facteur de risque complémentaire. En second lieu, les praticiens peuvent se satisfaire moins d’une analyse Bayésienne et préférer la réponse dichotomique apportée par le CT dans une maladie potentiellement grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les patients peuvent aussi naturellement interférer dans le processus de décision, tout comme le système de santé dans son ensemble. Enfin, le CTAP peut amener à établir rapidement d’autres diagnostics, celui de pneumonie par exemple.

Réduire le recours à l’angioscanner

Dans l’ensemble, les cliniciens doivent réduire la sur utilisation courante du CTAP. Ils doivent bien avoir conscience qu’un patient avec un pré test faible et remplissant les 8 critères du PERC a une probabilité d’EP de moins de 0,3 % ; ils doivent aussi ajuster, lorsque le dosage des D- dimères s’avère utile, son seuil à l’âge du patient. Enfin, ils doivent être sensibilisés, ainsi que leurs patients au risque d’irradiation excessive, aux coûts relatifs des différentes techniques et s’approprier les supports informatiques d’aide à la décision, au niveau des services d’urgence notamment. Une des approches diagnostiques alternatives pourrait être le recours au doppler veineux des membres inférieurs en cas d’état hémodynamique stable. Cette technique peut diminuer le nombre de CT nécessaire d’autant que, en cas de thrombose veineuse s’impose la mise sous anticoagulants. Elle apparaît très utile notamment chez les femmes enceintes, lors du premier trimestre de grossesse.

En conclusion, l’étape initiale dans l’évaluation d’un patient suspect d’EP aigue est d’établir un pré test de probabilité, en utilisant les critères de Wells ou le score de Genève, tous deux très employés, bien validés et également pertinents. Le PERC peut, en complément, être d’une grande utilité, particulièrement en cas de pré test retrouvant un faible risque.

Publié sur Jim.fr le 16 / 11/ 2015. Commentaire du Dr Pierre Margent

Références

Raja AS et coll. : Evaluation of patients with suspected acute pulmonary embolism. Ali S Raja. Ann Intern Med., 2015; 163: 701- 711.

Hypertension pulmonaire : mise au point après l’ERS et l’ESC – Classification et outils diagnostique

L’hypertension pulmonaire (HTP) est caractérisée par l’augmentation progressive des résistances artérielles pulmonaires aboutissant à une insuffisance cardiaque droite et au décès. Au cours des dix dernières années, les progrès réalisés dans l’épidémiologie et la compréhension des mécanismes physiopathologiques des HTP ont permis une classification clinique plus précise, indispensable au clinicien pour prendre en charge cette affection.

Nous abordons ici les aspects diagnostiques, la partie thérapeutique sera publiée prochainement

LHTAP est une forme particulière d’HTP caractérisée par la prolifération intense de la paroi des petites artères pulmonaires. Il s’agit d’une maladie rare pour laquelle des progrès très importants ont été réalisés au cours des quinze années, avec la mise au point de plusieurs molécules innovantes permettant une nouvelle approche thérapeutique de cette maladie.

Les récents congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) et de l’European Respiratory Society (ERS) ont été l’occasion de présenter les nouvelles recommandations jointes de ces deux sociétés savantes sur le diagnostic et la prise en charge des HTP (recommandations publiées début octobre 2015 dans l’European Heart Journal et l’European Respiratory Journal).

Définitions

Le terme « hypertension pulmonaire (HTP) » définit toute élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP) objectivée par la mesure au cathétérisme cardiaque droit (et uniquement par cet examen) d’une PAP moyenne (PAPm) ≥25 mmHg au repos.

On distingue deux types d’HTP : l’HTP pré-capillaire, pour laquelle l’élévation de la PAP est liée à un obstacle en amont des capillaires pulmonaires et l’HTP post-capillaire, pour laquelle l’élévation de la PAP est secondaire à la transmission passive d’une élévation de pression en aval des capillaires pulmonaires (due en général à une insuffisance cardiaque gauche). La distinction entre HTP pré- ou postcapillaire se fait par la mesure de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) lors du cathétérisme cardiaque droit : l’HTP est post-capillaire lorsque la PAPO est élevée (> 15 mmHg) (figure 1). La distinction entre HTP post-capillaire isolée et HTP post- et précapillaire associées ne s’établit plus en fonction du gradient transpulmonaire (GTP = PAPm – PAPO), trop dépendant des conditions de charge (volémie) et du débit cardiaque. Elle est envisagée dorénavant en fonction du gradient de pression diastolique (GPD) qui est la différence entre la PAP diastolique (PAPd) et la PAPO (GDP = PAPd – PAPO) (figure 2). Le terme « hypertension artérielle pulmonaire » (HTAP) définit un sous-groupe d’HTP de causes diverses mais caractérisées par une physiopathologie proche, et notamment un remodelage intense des artères pulmonaires de petits calibres (diamètre < 500 μm). Les HTAP représentent le groupe 1 de la classification des HTP (tableau 1).

Le terme « HTP d’effort » a disparu car il n’en existe pas de définition précise, une élévation importante de la PAPm à l’effort (> 35 mmHg) pouvant s’observer en dehors de toute situation pathologique (en particulier chez le sportif).

La conséquence principale de l’hypertension pulmonaire est la survenue d’une insuffisance cardiaque droite (le ventricule droit adapté à cette circulation à basse pression n’arrive pas à s’adapter à une augmentation de sa postcharge) et au décès.

alt

Figure 1. Définition de l’HTP pulmonaire pré- et post-capillaire. Il a été ajouté dans la définition de l’HTAP (groupe 1), l’augmentation des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) > 3 unités Wood (UW).

alt

Figure 2. Définitions hémodynamiques des HTP post-capillaires.

alt

Classification des hypertensions pulmonaires

L’utilisation d’une classification des HTP a pour objectif d’individualiser des catégories de pathologies présentant des similitudes dans leur physiopathologie, leur présentation clinique et leur prise en charge. Les dernières recommandations ERS/ESC ont permis une actualisation de cette classification proposée pour la première fois en 1998 lors du 2e Congrès mondial sur l’HTP, puis revue et modifiée plusieurs fois depuis (tableau 1). Cette classification comprend 5 groupes :
– groupe 1 : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). On en rapproche la maladie veinoocclusive pulmonaire (MVO) et l’hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP) (groupe 1’), ainsi que l’hypertension pulmonaire persistante du nouveau-né (groupe 1’’) ;
– groupe 2 : HTP des maladies cardiaques gauches ;
– groupe 3 : HTP des maladies respiratoires ou associées à une hypoxie chronique ;
– groupe 4 : HTP thromboembolique chronique (HTP-TEC) et autres obstructions artérielles pulmonaires ;
– groupe 5 : HTP de mécanismes multifactoriels ou incertains.
 

Groupe 1 : hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)

L’HTAP répertorie un groupe de maladies caractérisées par un remodelage très important des artérioles pulmonaires, secondaire à la prolifération des cellules constituant la paroi artérielle pulmonaire normale : cellules endothéliales (CE) et cellules musculaires lisses (CML). Il est essentiel de bien identifier ce groupe de maladies car la prise en charge est spécifique et les thérapeutiques ciblées de l’HTAP (traitements vasodilatateurs ayant essentiellement une action antiproliférante et antiremodelage : prostacyclines, antagonistes des récepteurs de l’endothéline, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, stimulateur de guanylate cyclase soluble) n’ont d’indication que dans ce groupe des HTP. Pour les autres groupes, le traitement consiste en une prise en charge étiologique.

  • L’HTAP est dite « idiopathique » si aucun facteur favorisant ou maladies à risque ne sont retrouvés. L’HTAP peut également survenir dans un contexte familial (HTAP héritable), lié à une anomal ie génétique. Le principal gène responsable est le gène BMPR2, avec une transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète. Des mutations de BMPR2 sont retrouvées dans 80 % des formes familiales d’HTAP (plusieurs cas identifiés), et dans 15 à 20 % des formes sporadiques.
    D’autres gènes peuvent êt re responsables d’HTAP héritable, notamment ALK1 et endogline lorsque l’HTAP est associée à une maladie de Rendu-Osler. Les HTAP idiopathique et héritable sont caractér isées par une nette prédominance féminine (sex ratio F/H = 2,5/1 ) , avec un pic de fréquence entre 25 et 50 ans.
  • L’HTAP peut aussi survenir dans un contexte de prises de médicaments ou de toxiques. Les anorexigènes (aminorex et dérivés de la fenfluramine) constituent le principal facteur de risque d’HTAP médicamenteuse. Ces traitements ont été à l’origine d’épidémies d’HTAP dans les années 1970-1980 et sont depuis retirés du marché. Plus récemment, le benfluorex (Médiator®) a également été reconnu comme facteur de risque d’HTAP. Ces médicaments agissent sur le métabolisme de la sérotonine, favorisant la survenue d’HTAP et de valvulopathies. La présentation clinique de ces HTAP est similaire à celle des HTAP idiopathiques.
    Un interrogatoire systématique des expositions médicamenteuses doit donc être réalisé pour tout malade présentant une HTAP. Seule une faible proportion de patients exposés va néanmoins développer une HTAP, ces médicaments étant considérés comme un trigger de l’HTAP chez des patients ayant une susceptibilité particulière. Une mise au point sur les médicaments et toxiques responsables d’HTAP ou susceptibles d’être à l’origine du développement d’une HTAP a été établie dans les dernières recommandations ERS/ESC (tableau 2).

alt

  • L’HTAP peut être aussi associées à différentes pathologies
    Les connectivites sont une cause fréquente d’HTAP (environ 15 %). La principale connectivite associée à l’HTAP est la sclérodermie systémique, la prévalence de l’HTAP est d’environ 10 %. Néanmoins, le diagnostic d’HTAP est parfois difficile dans cette maladie car les causes possibles d’HTP sont nombreuses : fibrose pulmonaire (HTP groupe 3), dysfonctions diastolique ou atteinte cardiaque spécifique (HTP groupe 2).
    De plus, ces différents mécanismes sont souvent associés. L’HTAP et la fibrose pulmonaire sont les deux principales causes de mortalité dans la sclérodermie systémique. Les autres connectivites à risque sont le lupus érythémateux systémique, la connectivite mixte et, plus rarement, le syndrome de Sjögren et les polymyosites. La polyarthrite rhumatoïde n’est pas un facteur de risque d’HTAP.
    L’infection par le VIH. L’HTAP est une complication rare de l’infection par le VIH. Les données épidémiologiques évaluent sa prévalence à environ 0,5 %. L’incidence et la sévérité de cette complication ont beaucoup diminué avec la généralisation des multithérapies antirétrovirales actives.
    – L’hypertension portale. Toutes les hypertensions portales, d’origines hépatique (cirrhoses) et extra-hépatique (thromboses portales), peuvent provoquer une HTAP ; on parle alors d’hypertension portopulmonaire. Sa prévalence au cours de la cirrhose est estimée entre 0,5 et 2 %. La survenue d’une HTAP est associée à une surmortalité et peut contre-indiquer la transplantation hépatique.
    Les cardiopathies congénitales. Certains patients présentant une cardiopathie congénitale, en particulier en cas de shunt gauchedroit (communications interauriculaire ou interventriculaire, persistance du canal artériel, etc.) vont développer une HTAP. Le syndrome d’Eisenmenger correspond à l’évolution d’une cardiopathie congénitale, avec initialement un shunt gauche-droi t entraînant un hyperdébit chronique dans les artères pulmonaires. Les lésions vasculaires pulmonaires liées à cet hyperdébit sont à l’origine d’une augmentation des résistances et d’une HTAP. L’augmentation des pressions dans les cavités droites a pour conséquence une inversion secondaire du shunt (droi-tgauche) entraînant une cyanose.
    Les schistosomiases. Il s’agit d’une forme d’HTAP très rarement observée en Europe. L’HTAP survient chez 5 à 10 % des pat ients présentant une atteinte hépatosplénique de bilharziose (Schistosomia mansoni, en particulier au Brésil).

Groupe 1’ : maladie veino-occlusive pulmonaire (MVO)/hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP)

Il est actuellement reconnu que la MVO et l’HCP représentent la même entité clinique. Il s’agit d’une forme rare d’HTP caractérisée par une obstruction des veinules pulmonaires et une prolifération des capillaires pulmonaires. Elle peut être idiopathique, héritable ou compliquée avec l’utilisation de certaines chimiothérapies. Les MVO/HCP se caractérisent par des anomalies radiologiques : avec au scanner thoracique, la présence d’un épaississement des lignes septales, de nodules flous centrolobulaires et d’adénopathies médiastinales, et des troubles de diffusion, avec une baisse importante de la DLCO et une hypoxémie sévère.

Groupe 2 : hypertension pulmonaire post-capillaire

Les cardiopathies gauches représentent la première cause d’HTP. Les dysfonctions diastoliques sont difficiles à mettre en évidence en échographie cardiaque et le cathétérisme cardiaque droit (et parfois gauche) permet de confirmer le mécanisme postcapillaire de l’HTP. La prise en charge consiste en l’optimisation du traitement cardiologique. En dehors d’essais cliniques, il n’y a aucune place pour les thérapeutiques ciblées de l’HTAP dans ces formes d’HTP.

Groupe 3 : hypertension pulmonaire due à une maladie respiratoire et/ou une hypoxémie chronique

Il s’agit des HTP secondaires à une hypoxie alvéolaire liée le plus souvent à une insuffisance respiratoire chronique ou, plus rarement, à la vie en haute altitude. Toutes les causes d’insuffisance respiratoire peuvent se compliquer d’HTP ; la BPCO et les pathologies interstitielles sont les plus fréquemment responsables d’HTP. Les maladies respiratoires représentent la deuxième cause d’HTP. L’HTP est pré-capillaire (vasoconstriction artérielle pulmonaire hypoxique) et habituellement modérée (PAPm 35 mmHg et/ou un débit cardiaque diminué (tableau 3). Le traitement des HTP des maladies respiratoires comprend la prise en charge spécifique de la maladie respiratoire et l’oxygénothérapie de longue durée. Comme pour les HTP du groupe 2, il n’y a aucune place pour les thérapeut iques ciblées de l ’HTAP en dehors d’essais cliniques.

alt

Groupe 4 : hypertension pulmonaire thromboembolique chronique

L’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTPTEC) est la conséquence d’une obstruction chronique des artères pulmonaires par du matériel d’origine thromboembolique. L’examen de dépistage est la scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion qui n’est jamais normale et montre des défauts multiples de perfusion avec une ventilation normale. Le traitement de référence est chirurgical par endarteriectomie pulmonaire. Une nouvelle technique, l’angioplastie des artères pulmonaires, est en cours d’évaluation dans les formes non accessibles à la chirurgie. Un seul traitement médical, le riociguat (stimulateur de guanylate cyclase soluble), est indiqué dans les formes non opérables d’HTP-TeC.

Diagnostic de l’hypertension pulmonaire

Un algorithme diagnostique de l’HTP est présenté sur la figure 3.

Il n’existe pas de signes cliniques spécifiques de l’HTP. Les manifestations cliniques ne traduisent en effet que le retentissement de la maladie sur le coeur droit (coeur pulmonaire chronique) ou les manifestations liées à la maladie sous-jacente (sclérodermie, cirrhose, etc.). La dyspnée d’effort est le signe le plus souvent retrouvé, présent chez plus de 95 % des patients. L’apparition de cette dyspnée est en règle progressive et souvent négligée, expliquant le fréquent retard à la prise en charge (environ 2 ans entre le début des symptômes et le diagnostic). Dans l’HTAP, les trois quarts des patients sont en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA au moment du diagnostic. Des douleurs thoraciques, des lipothymies ou des syncopes peuvent survenir en particulier à l’effort et représentent des critères majeurs de gravité de la maladie. De même, les signes d’insuffisance ventriculaire droite soulignent la sévérité de l’HTP.

alt

Figure 3. Algorithme diagnostique devant une suspicion d’HTP.

  • La radiographie thoracique retrouve le plus souvent une hypertrophie du tronc et des branches proximales des artères pulmonaires et une augmentation de l’index cardio- thoracique. elle permet aussi de rechercher des anomalies parenchymateuses témoignant d’une maladie respiratoire associée. La présence d’un syndrome interstitiel doit faire évoquer certaines formes d’hypertension pulmonaire (HTP post-capillaire, pneumopathie interstitielle, maladie veino-occlusive).
  • L’ECG retrouve classiquement des signes d’hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite, mais cet examen peut être normal et ne peut en aucun cas écarter le diagnostic d’HTP.
  • L’échographie cardiaque transthoracique (eTT) couplée au Doppler est l’examen de référence pour le dépistage mais il très insuffisant pour établir avec certitude le diagnostic l’HTP. elle permet d’estimer la pression artérielle pulmonaire (PAP) systolique par la mesure de la vitesse du flux d’insuffisance tricuspide. L’échographie retrouve en général une dilatation des cavités droites associée à un mouvement paradoxal du septum interventriculaire. Dans des conditions optimales, elle permet de mesurer la PAP diastolique et le débit cardiaque, mais ces conditions sont rarement rassemblées en pratique courante. L’existence d’un épanchement péricardique est un élément de mauvais pronostic. Cet examen permet aussi de rechercher une cardiopathie congénitale ou un shunt par ouverture du foramen ovale.
  • Le cathétérisme cardiaque droit est le seul examen permettant d’af f i rmer le diagnost ic d’HTP par la mesure d’une PAPm ≥ 25 mmHg au repos. Cet examen doit être effectué dans un centre expert une fois l’HTP suspectée, en général par échocardiographie. en dehors de l’établ issement du diagnost ic de certitude, le cathétérisme cardiaque droit est indispensable pour déterminer le mécanisme de l ’HTP (pré- ou post-capillaire). Cette mesure peut être affinée par la réalisation d’un test de remplissage vasculaire afin de démasquer une dysfonction ventriculaire gauche diastol ique (insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée). Il apporte également des informations très importantes sur la sévérité de l’HTP par la mesure de la pression auriculaire droite, du débit cardiaque et de l’index cardiaque, de la saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2) et des résistances vasculaires pulmonaires (RVP).
    En cas d’HTAP confirmée, il permet la réalisation d’un test de vasoréactivité pulmonaire en aigu pour déterminer les patients dits « répondeurs », susceptibles d’être traités efficacement par inhibiteurs calciques. Ce test est considéré comme positif en cas de baisse de la PAPm d’au moins 10 mmHg jusqu’à une valeur < 40 mmHg sans diminution simultanée du débit cardiaque. Le médicament le plus utilisé pour tester cette vasoréactivité est le monoxyde d’azote (NO) inhalé (10-20 ppm pendant quelques minutes). Il est cependant également possible d’utiliser l’époprosténol ou l’adénosine, mais ces médicaments sont également des vasodilatateurs systémiques exposant au risque d’hypotension et de mauvaise tolérance. L’iloprost inhalé est également une alternative.
  • La scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion est le seul examen permet tant d’écar ter une or igine thromboembolique devant une HTP. en présence d’anomalies perfusionnelles non matchées en ventilation, il convient de réaliser dans un centre expert une angiographie pulmonaire et un angioscanner thoracique avec reconst ruct ions vasculai res pour confirmer le diagnostic d’HTP thromboembolique chronique, et déterminer les possibilités d’intervent ion chi rurgicale par thrombo endartériectomie. Le scanner thoracique permet également de rechercher une maladie respiratoire sous-jacente (emphysème, fibrose pulmonaire), ainsi que des signes évocateurs de maladie veino-occlusive (épaississement des septa, nodules flous centro-lobulaires, adénopathies médiastinales).
  • Les épreuves fonctionnelles respiratoires et la gazométrie artérielle sont indispensables devant un tableau d’HTP. Ils permettent de rechercher une maladie respiratoire associée. La mesure d’une DLCO basse est un facteur de mauvais pronostic dans l ’HTAP. Une DLCO très diminuée associée à une hypoxémie importante en l’absence de maladie respiratoire associée doit faire évoquer une maladie veino-occlusive (MVO).

Évaluation de la sévérité

C’est une étape indispensable de l’évaluation d’un patient souffrant d’HTP. La prise en charge thérapeutique est guidée par cette évaluation qui se fait non seulement au diagnostic mais également au cours du suivi. Celui-ci doit être régulier et inclure non seulement la répétition d’examens simples (clinique, épreuves d’exercice, échocardiographie, etc.), mais aussi d’examens invasifs comme le cathétérisme cardiaque droit, indispensables pour ajuster la thérapeutique (tableau 4).

alt

L’importance de la dyspnée est évaluée selon la classe fonctionnelle NYHA adaptée pour les patients atteints d’HTAP (tableau 5) permettant une évaluation simple et reproductible au cours du suivi. La classification NYHA est un élément pronostique majeur, les patients en classe fonctionnelle III ou IV ayant une survie très inférieure à cel le des patients en classe fonctionnelle I ou II.

alt

L’évaluation de la dyspnée est complétée par un test de marche de 6 minutes. Il s’agit d’un moyen simple et facilement reproductible pour évaluer le handicap fonctionnel. Ce test doit être associé à la mesure continue de l’oxymétrie, de la fréquence cardiaque et l’évaluation par le patient d’un score de dyspnée (échelle de Borg). Une diminution de la distance parcourue au test de marche est un facteur de mauvais pronostic.

L’épreuve fonctionnelle à l’exercice (EF-X) donne des renseignements plus précis sur la limitation à l’effort. Le pic de consommation d’oxygène (VO2) et la pente du rapport Ve/VCO2 (équivalent respiratoire en CO2) font partie des facteurs pronostiques dans l’HTP. La présence d’un épanchement péricardique et des signes de dysfonction ventriculaire droite à l’échographie cardiaque sont des facteurs de mauvais pronostic.

Lors du cathéterisme cardiaque droit, la mesure de la pression auriculaire droite, de l’index cardiaque, de la saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2), ainsi que le calcul des résistances vasculaires pulmonaires permettent d’évaluer la gravité et le pronostic des sujets atteints d’HTAP. Par ailleurs, l’existence d’une réponse en aigu aux vasodilatateurs (NO ou prostacycline) est un élément de bon pronostic.

Enfin, le dosage plasmatique de certaines substances est corrélé à la sévérité de la maladie. C’est le cas en particulier du Brain natriuretic peptide (BNP) ou du NT-pro- BNP, mais aussi de l’endothéline-1, de l’uricémie et de la troponine T.

Conclusion

  • Les progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques ont été considérables au cours de ces dernières années et ont permis d’améliorer de manière significative l’espérance et la qualité de vie des malades souffrant d’HTAP. On est ainsi passé en quelques années d’une maladie incurable au pronostic sombre à une maladie qu’il est souvent possible de contrôler.

« Publié dans OPA Pratique »

Références

Cliquez sur les références et accédez aux Abstracts sur pubmed

Task Force Members. 2015 eSC/eRS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Joint Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the european Society of Cardiology (eSC) and the european Respiratory Society (eRS)endorsed by: Association for european Paediatric and Congenital Cardiology (AePC), International Society for Heart and Lung Transplantation (ISHLT). Eur Heart J 2015 Aug 29 ; pii: ehv317

« Publié dans OPA Pratique » le 10 Nov 2015

Par : O. SITBON, Service de pneumologie et soins intensifs, hôpital de Bicêtre, Inserm UMR-S 999, université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre

Quinolones : prudence indispensable, rapelle l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament

L’ANSM met en ligne un point sur la sécurité des quinolones administrées par voie générale [1].

« Suite à la persistance de signalements d’effets indésirables connus, l’ANSM souhaite rappeler aux professionnels de santé et aux patients les risques d’effets indésirables des quinolones qui nécessitent une restriction d’utilisation ou une surveillance particulière », explique l’agence.

Sont donc listées les manifestations nombreuses et sévères qui doivent conduire le patient « à consulter un médecin ».

Les tendinopathies

L’ANSM rappelle qu’elles sont rares mais potentiellement graves puisque les conséquences peuvent aller jusqu’à la rupture d’un tendon. Le risque est accru en cas de corticothérapie, chez les patients âgés, ou pratiquant une activité sportive intense, ou encore au moment de la reprise de la marche chez un patient alité.

La survenue d’une tendinopathie nécessite l’arrêt du traitement et l’exclusion ultérieure des quinolones, ainsi qu’une « prise en charge appropriée (notamment mise au repos du tendon, contention appropriée, talonnette ou encore avis en milieu spécialisé) ».

L’allongement de l’intervalle QT

Chez les patients présentant un allongement congénital ou acquis de l’intervalle QT, des troubles électrolytiques (en particulier une hypokaliémie), une bradycardie, une insuffisance cardiaque, ou des antécédents de troubles du rythme, ainsi que chez les patients âgés, ou traités par un autre médicament susceptible d’impacter le QT, certaines quinolones doivent faire l’objet de « précautions d’emploi, voire de contre-indication ».

Selon un classement européen, la moxifloxacine a un potentiel d’allongement du QT élevé. La lévofloxacine, la norfloxacine, l’ofloxacine et la ciprofloxacine ont un potentiel d’allongement du QT moyen. L’énoxacine, la péfloxacine et la loméfloxacine ont un potentiel d’allongement de l’intervalle QT faible ou inconnu.

« Il est important d’inviter les patients à consulter immédiatement un médecin en cas de survenue de signes évocateurs d’une arythmie cardiaque », souligne l’ANSM.

Les neuropathies périphériques

« Des neuropathies périphériques sensitives et sensitivo-motrices ont été rapportées sous quinolones » rappelle l’ANSM, en précisant que les symptômes, à type de sensations de brûlure, de fourmillements, de picotements, de douleur ou encore d’engourdissement, notamment au niveau des mains ou des pieds, peuvent survenir rapidement après l’initiation de la quinolone.

Dès l’apparition de symptômes évocateurs, il est important que le patient consulte son médecin, afin de prévenir une éventuelle évolution vers une atteinte irréversible.

La photosensibilisation

La prise de quinolone nécessite de se protéger du soleil ou des rayonnements UV afin d’éviter les réactions de photosensibilisation. Cette protection s’impose durant toute la durée du traitement, et doit être poursuivie durant quelques jours, selon la demi-vie d’élimination de la quinolone.

Autres effets indésirables

D’autres effets indésirables dont certains spécifiques à certaines quinolones, peuvent survenir en cas de prédisposition.

Parmi ces effets indésirables, l’ANSM souligne en particulier les risques de convulsions, de manifestations neuropsychiques pouvant dans de rares cas conduire à des suicides (parfois après une seule prise, souligne l’ANSM), de réactions cutanées bulleuses graves, d’aggravation d’une myasthénie, d’effets hépatiques, de troubles de la glycémie, d’hémolyse en cas de déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD), de troubles de la vision.

A propos de ce dernier effet, l’ANSM souligne qu’un « ophtalmologiste doit être consulté immédiatement si la vision se dégrade », et indique que « l’association entre la prise de quinolones et la survenue de décollement rétinien est en cours d’évaluation au niveau européen notamment suite aux résultats d’une étude pharmaco-épidémiologique récente menée par l’ANSM à partir des données de l’assurance maladie ».

« Bien que les quinolones soient commercialisées depuis plus de 20 ans et que leur profil de risque puisse être considéré comme caractérisé, l’ANSM reste attentive à tout élément nouveau qui pourrait faire évoluer l’information sur ces médicaments », conclut l’agence, en invitant les professionnels de santé et les patients à consulter les RCP et les notices des médicaments disponibles dans la Base de données publique des médicaments.

Par Vincent Bargoin, sur (Medscape France)

REFERENCE :

  1. See comment in PubMed Commons below Profil de sécurité des quinolones administrées par voie générale – Point d’Information ANSM du 15 octobre 2015.

Ce que vous avez toujours voulu savoir sur le microbiome pulmonaire

Les poumons ont longtemps été considérés comme stériles. On sait aujourd’hui que ce n’est pas le cas et qu’il existe une flore pulmonaire à l’instar du microbiote intestinal. Si les appareils pulmonaire et digestif ont une origine embryologique commune et sont tapissés par une muqueuse, la plupart de leurs caractéristiques sont très différentes. Ainsi, dans le tube digestif, la migration microbienne est unidirectionnelle et se heurte à plusieurs barrières chimiques et physiques comme le pH très acide de l’estomac ou au contraire très basique du duodénum, la difficulté de trouver des nutriments en raison de la densité importante en micro-organismes . S’y ajoute une température constante (37°C) sur toute sa longueur (9 mètres), des taux élevés d’IgA et peu d’oxygène. Au contraire, dans le poumon, la circulation d’air, de mucus et de microbes est bidirectionnelle, sans barrière physique entre le larynx et les alvéoles distales ; il existe un gradient de température entre l’air ambiant et les alvéoles et un environnement riche en oxygène ; la longueur de la muqueuse est de seulement 50 cm et il existe beaucoup d’interactions entre les bactéries et les leucocytes alvéolaires.

Sous la dépendance de l’oropharynx

Il en résulte que le microbiome pulmonaire est plus dynamique et transitoire, différent et moins riche que la flore digestive. Trois facteurs interagissent pour conditionner le microbiome pulmonaire : la migration microbienne dans les voies aériennes, son élimination et le taux de reproduction déterminé par les conditions de croissance locales. Les micro-organismes proviennent de l’air (104-106 bactéries /mm3), de l’aspiration de certains éléments des voies respiratoires supérieures et d’une dispersion le long de la muqueuse respiratoire. C’est surtout l’oropharynx qui contribue au microbiome pulmonaire, alors que, curieusement, la flore nasale semble avoir un rôle très mineur. L’élimination des germes est assurée par les mouvements ciliaires, la toux et les défenses immunitaires de l’hôte.

Comme dans toutes les niches environnementales, la croissance bactérienne est sous la dépendance de la température, de la disponibilité en nutriments, du pH et de la tension en oxygène, ainsi que par l’abondance et l’activation de cellules inflammatoires. Chez le sujet sain, les conditions ne sont pas favorables à une reproduction bactérienne locale, mais ce n’est plus vrai en cas de pathologie pulmonaire. Des niches permettant la croissance de certaines espèces se forment alors et dépassent les capacités d’élimination de ces micro-organismes. L’écologie du microbiome change aussi de façon importante au cours des affections pulmonaires aiguës et chroniques avec une augmentation du nombre d’espères et une modification de la composition qui passe du genre bacteroidetes à celui des protéobactéries contenant beaucoup de bacilles à Gram négatif.

D’un point de vue clinique, une association entre le changement du microbiote pulmonaire et les exacerbations de bronchectasies, ou la mortalité dans la fibrose pulmonaire idiopathique, a été montrée. Il reste encore beaucoup à étudier dans ce domaine, comme de savoir si la modification du microbiote est une cause ou bien un marqueur, s’il est possible d’avoir une action thérapeutique sur ce système et enfin, comment la prédominance d’un seul germe pathogène survient au cours des pneumonies.

Article paru sur antibio-responsable.fr , par le Dr Patricia Thelliez

Influence du sexe sur les complications cardiaques du syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) expose à des complications cardiaques, du fait des épisodes hypoxiques paroxystiques nocturnes qui mettent le myocarde à rude épreuve, mais aussi en raison de facteurs de risque cardiovasculaire. Diabète, surpoids, obésité, HTA, ou encore dyslipidémies, sont autant de menaces pour les structures et les fonctions du système cardiovasculaire. Le sexe semble, par ailleurs, moduler le risque et le pronostic cardiaques du SAOS. Cette hypothèse est étayée par les résultats de deux étude de cohorte prospectives, respectivement l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk in the Communities) et la Sleep Heart Health Study.

Au total, 752 hommes et 893 femmes (âge moyen, 62,5±5,5 ans), atteints ou non d’un SAOS, mais indemnes de toute affection cardiovasculaire à l’état basal, ont constitué la cohorte qui a fait l’objet d’un suivi particulièrement prolongé (13,6±3,2 ans). Les survivants ont bénéficié ultérieurement d’une échocardiographie complémentaire (15,2±0,8 ans après l’inclusion) qui a permis de rechercher une éventuelle hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Un enregistrement polysomnographique a été réalisé chez tous les participants et le dosage de la troponine ultrasensible (TnT-us) plasmatique a, par ailleurs, été systématique. La sévérité clinique du SAOS a été appréciée selon les critères classiques, notamment l’index d’apnées et d’hypopnées. Au cours du suivi, ont été prises en compte la mortalité globale et cardiovasculaire, ainsi que l’incidence de la maladie coronarienne et de l’insuffisance cardiaque.

La comparaison intergroupe a permis d’établir une association significative entre le sexe et certaines complications cardiaques. Ainsi, les taux plasmatiques de TnT-us n’ont été reliés au SAOS, indépendamment des autres variables, que chez les femmes (p = 0,03 versus 0,94 dans le sexe masculin). Il en a été de même pour le risque d’insuffisance cardiaque ou de décès (p = 0,01 vs p = 0,10). Cette dernière association a cependant perdu sa signification statistique chez la femme (p = 0,09), après ajustement en fonction des taux de TnT-us. Par ailleurs, chez les survivants qui n’ont connu aucune complication cardiovasculaire de la série précédemment évoquée, l’HVG définie par la masse ventriculaire gauche indexée n’a été associée au SAOS que chez la femme, là aussi indépendamment des autres facteurs de risque (p = 0,001).

En bref, il semble que le pronostic cardiaque du SAOS soit plus sombre chez les sujets de sexe féminin, probablement en raison de co-morbidités plus fréquentes et plus lourdes de conséquence, qu’il s’agisse de l’obésité, du diabète ou encore de l’HTA. Ainsi, l’insuffisance cardiaque et la mortalité sont plus fréquentes chez la femme, de même que l’HVG, au terme d’un suivi qui, dans ces cohortes, a atteint en moyenne 13 années.

Publié sur Jim.fr du 29/10/2015 , commentaire du du Dr Philippe Tellier

Référence
Querejeta Roca G et coll. : Sex-Specific Association of Sleep Apnea Severity With Subclinical Myocardial Injury, Ventricular Hypertrophy, and Heart Failure Risk in a Community-Dwelling Cohort. The Atherosclerosis Risk in Communities–Sleep Heart Health Study. Circulation 2015. Publication avancée en ligne le 27 août 2015.

Influence du sexe sur les complications cardiaques du syndrome d’apnées obstructives du sommeil

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) expose à des complications cardiaques, du fait des épisodes hypoxiques paroxystiques nocturnes qui mettent le myocarde à rude épreuve, mais aussi en raison de facteurs de risque cardiovasculaire. Diabète, surpoids, obésité, HTA, ou encore dyslipidémies, sont autant de menaces pour les structures et les fonctions du système cardiovasculaire. Le sexe semble, par ailleurs, moduler le risque et le pronostic cardiaques du SAOS. Cette hypothèse est étayée par les résultats de deux étude de cohorte prospectives, respectivement l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk in the Communities) et la Sleep Heart Health Study.

Au total, 752 hommes et 893 femmes (âge moyen, 62,5±5,5 ans), atteints ou non d’un SAOS, mais indemnes de toute affection cardiovasculaire à l’état basal, ont constitué la cohorte qui a fait l’objet d’un suivi particulièrement prolongé (13,6±3,2 ans). Les survivants ont bénéficié ultérieurement d’une échocardiographie complémentaire (15,2±0,8 ans après l’inclusion) qui a permis de rechercher une éventuelle hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Un enregistrement polysomnographique a été réalisé chez tous les participants et le dosage de la troponine ultrasensible (TnT-us) plasmatique a, par ailleurs, été systématique. La sévérité clinique du SAOS a été appréciée selon les critères classiques, notamment l’index d’apnées et d’hypopnées. Au cours du suivi, ont été prises en compte la mortalité globale et cardiovasculaire, ainsi que l’incidence de la maladie coronarienne et de l’insuffisance cardiaque.

La comparaison intergroupe a permis d’établir une association significative entre le sexe et certaines complications cardiaques. Ainsi, les taux plasmatiques de TnT-us n’ont été reliés au SAOS, indépendamment des autres variables, que chez les femmes (p = 0,03 versus 0,94 dans le sexe masculin). Il en a été de même pour le risque d’insuffisance cardiaque ou de décès (p = 0,01 vs p = 0,10). Cette dernière association a cependant perdu sa signification statistique chez la femme (p = 0,09), après ajustement en fonction des taux de TnT-us. Par ailleurs, chez les survivants qui n’ont connu aucune complication cardiovasculaire de la série précédemment évoquée, l’HVG définie par la masse ventriculaire gauche indexée n’a été associée au SAOS que chez la femme, là aussi indépendamment des autres facteurs de risque (p = 0,001).

En bref, il semble que le pronostic cardiaque du SAOS soit plus sombre chez les sujets de sexe féminin, probablement en raison de co-morbidités plus fréquentes et plus lourdes de conséquence, qu’il s’agisse de l’obésité, du diabète ou encore de l’HTA. Ainsi, l’insuffisance cardiaque et la mortalité sont plus fréquentes chez la femme, de même que l’HVG, au terme d’un suivi qui, dans ces cohortes, a atteint en moyenne 13 années.

Publié sur Jim.fr du 29/10/2015 , commentaire du du Dr Philippe Tellier

Référence
Querejeta Roca G et coll. : Sex-Specific Association of Sleep Apnea Severity With Subclinical Myocardial Injury, Ventricular Hypertrophy, and Heart Failure Risk in a Community-Dwelling Cohort. The Atherosclerosis Risk in Communities–Sleep Heart Health Study. Circulation 2015. Publication avancée en ligne le 27 août 2015.