Radiothérapie stéréotaxique ou radiochirurgie : l’avenir est déjà là !
Radiosurgery: the future is here!
Dr Alain Toledano
Institut de cancérologie Hartmann, centre de radiothérapie, Levallois-Perret
Vous en avez forcément entendu parler, même si tous vos patients n’y ont pas encore accès : la radiochirurgie ou la radiothérapie stéréotaxique.
Elles représentent moins de 1 % des irradiations en France, mais devraient sans nul doute connaître une ascension fulgurante ces prochaines années.
Peut-on encore parler d’innovation, lorsque plusieurs centaines de milliers de patients ont déjà bénéficié de ces techniques à travers le monde ?
Peut-on envisager de ne pas les proposer lorsqu’elles se positionnent souvent comme les seules potentiellement curatives dans certaines situations oncologiques ?
La radiothérapie stéréotaxique est un type de radiothérapie externe. Stéréo signifie “en 3 dimensions” (3D) et taxique signifie “explorer”.
On parle de radiochirurgie lorsqu’on émet une seule dose élevée de radiation vers la cible (fraction unique), et de radiothérapie stéréotaxique quand on émet de plus faibles doses de radiation qu’on administre en plusieurs séances (fractions multiples) jusqu’à ce qu’on atteigne la dose totale souhaitée.
Dans ces 2 situations, l’avancée technologique aura permis de délivrer des rayonnements ionisants, sur un volume cible réduit, par de multiples minifaisceaux, avec une très grande précision géométrique, de l’ordre du millimètre, sur des cibles mobiles. Un fort gradient décroissant de dose en périphérie épargne les tissus sains.
Cela implique des modifications de paradigmes, avec une irradiation se basant plus sur un raisonnement ablatif, entraînant dans son sillon des altérations vasculaires et d’autres modifications du microenvironnement péritumoral ; on ne se fie quasiment plus à la radiosensibilité intrinsèque des tissus, ces hautes doses précisément délivrées permettant des résultats souvent spectaculaires en termes de contrôle local.
Ce numéro spécial de La Lettre du Cancérologue est consacré entièrement à la radiochirurgie et à la radiothérapie stéréotaxique. On y développera les pathologies intracrâniennes, mais également l’application de ces techniques aux pathologies extracrâniennes.
Les perspectives thérapeutiques non invasives dans les cancers bronchiques, autant que l’approche destructrice des métastases pulmonaires, y sont traitées.
De nouvelles indications, comme les irradiations hépatiques, des hépatocarcinomes aux métastases, sont développées et prometteuses.
Les traitements très courts des cancers de la prostate localisés font leur apparition ; et la “facilité” des schémas d’irradiation sans caractère invasif, sans contrainte d’immobilisation majeure, rendus possibles par des systèmes d’imagerie performants détectant les mouvements instantanément, rendra plus simple la prise en charge d’une population plus âgée et qui se déplace souvent plus difficilement.
La radiochirurgie du rachis, les réirradiations et les toxicités acceptables de ces traitements ouvrent des champs d’investigation nouveaux, sans compter la perspective de traitements séquentiels locaux répétés de toutes ces maladies paucimétastatiques – qui aujourd’hui sont plus enclines à recevoir des chimiothérapies et des thérapies ciblées à long terme – que cet essor technologique nous permet.
Nous allons vivre une prochaine décennie de développements cliniques passionnants, sans doute en mettant en place un nombre considérable d’essais cliniques de conception nouvelle, et remettant en cause certains concepts…
Quand vous recherchez le parfait ciblage des tumeurs, vous redécouvrez plus que jamais qu’elles sont mouvantes, et qu’irradier à une dose efficace, c’est accepter de léser en partie le tissu environnant.
Heureusement, ce fatalisme n’a pas raison de l’énergie qu’investissent les oncologues radiothérapeutes dans la radiothérapie d’aujourd’hui, avec le secret espoir d’une radiothérapie d’efficacité supérieurement améliorée et sans effets indésirables.
Tout cela a un prix, et le cancer est l’affaire de tous ! Plus que jamais la multidisciplinarité doit oeuvrer pour que nous puissions disposer de ces techniques, et les utiliser à bon escient, tant les infrastructures et la précision nécessaires rendront rares dans un premier temps les sites de traitement capables de répondre à la demande grandissante.
Comme disait Théophraste, “la plus coûteuse des dépenses, c’est la perte de temps”, ce qui est d’autant plus approprié en matière de cancérologie.
Il nous tarde donc de voir l’essor de la radiochirurgie et de la radiothérapie stéréotaxique en France, pour le plus grand bénéfice des patients.