Bener A et coll. Vitamin D deficiency as a strong predictor of asthma in children. Int Arch Allergy Immunol 2012 ; 157 : 168-75.
Une étude récente effectuée chez les enfants Qatari apporte des éléments supplémentaires au dossier des relations entre « déficit en vitamine D, asthme et allergies ». Cette thématique nouvelle illustre la multiplicité des actions physiologiques de la vitamine D qui n’est pas uniquement impliquée dans le métabolisme osseux et la régulation phosphocalcique. Les auteurs ont comparé 483 enfants asthmatiques âgés de moins de 16 ans avec 483 témoins appariés selon l’âge et le sexe. Les premiers étaient issus d’un groupe de 671 asthmatiques vus dans un service hospitalier d’allergologie pédiatrique (taux de participation : 72 %). Les seconds étaient des témoins bien portants et non asthmatiques recrutés parmi 603 enfants vus en consultation de soins primaires (taux de participation : 80,1 %). Les familles devaient remplir un questionnaire concernant les caractéristiques démographiques, socio-économiques, familiales (consanguinité), médicales (antécédents allergiques, apport en vitamine D, exposition solaire, etc.). Tous avaient eu un examen clinique (poids, taille, indice de masse corporelle), un dosage d’IgE sériques (résultats exprimés en log IgE) et un dosage sérique de vitamine D (25[OH]D) par méthode radio-immunologique (DiaSorin ®). Selon les résultats, les enfants étaient classés en 4 groupes : I) déficit sévère (< 10 ng/ml ; II) déficit modéré (10 à 19 ng/ml) ; III) déficit léger (20 à 29 ng/ml) ; IV) taux normal ou optimal (30-80 ng/ml). En accord avec d’autres études, les patients étaient considérés comme ayant un taux déficitaire ( 30 ng/ml). Les données démographiques des deux groupes étaient comparables avec en particulier 42 % et 37,9 % d’enfants de moins de 5 ans dans les groupes des asthmatiques et des témoins. Toutefois, ils étaient différents par des niveaux d’éducation parentale (p < 0,001), de ressources (p = 0,005) et d’emploi (p < 0,01) sensiblement meilleurs chez les parents d’asthmatiques. La fréquence d’une consanguinité aux premier et second degrés était plus élevée chez les parents d’asthmatiques (38,9 %) que chez les témoins (37,9 %) (p =0,003). Globalement, la prévalence du déficit en 25(OH)D était plus fréquente chez les asthmatiques (68,1 %) que chez les témoins (36,1 %) (p < 0,001). Les déficits sévères étaient plus de 2 fois plus fréquents chez les asthmatiques (26,3 vs 11 %) et les déficits modérés l’étaient un peu moins (41,8 vs 25,1 %). Des antécédents de déficit en vitamine D (35,6 vs 27,1 % ; p = 0,005) et d’asthme (36,4 vs 28,3 % ; p = 0,009) étaient plus fréquents chez les asthmatiques. En sus du déficit en vitamine D, les asthmatiques avaient une phosphorémie plus basse (p < 0,001) et des phosphatases alcalines plus élevées (p < 0,001). Chez les asthmatiques, l’augmentation des log d’IgE (p < 0,001) était attendue. Finalement, selon la méthode des odds ratio (OR), le déficit en vitamine D était fortement associé à l’asthme (OR = 4,82 ; IC95 % : 2,41-8,63 ; p < 0,001).
L’association « asthme-allergies-déficit en vitamine D » constitue une thématique nouvelle et intéressante à étudier. Une revue générale récente très argumentée (85 références) fait le point, passant en revue les relations du statut en vitamine D avec le système immunitaire, les infections, les allergies et l’asthme, ainsi que les relations entre le statut en vitamine D de la mère et le risque d’asthme de l’enfant à naître*. Les auteurs de cette revue pensent que le manque de consensus sur les définitions des déficits et des insuffisances en vitamine D rend les interprétations difficiles. En effet, les valeurs seuils indiquées ont été fixées pour le rôle de la vitamine D sur le métabolisme osseux, mais on ne sait pas si elles sont optimales pour ses actions sur le système immunitaire. Toutefois, l’étude de A. Bener et coll. montre que les enfants ayant un déficit en vitamine D ont un risque 2 fois plus élevé d’avoir également un asthme, mais cette étude, comme d’autres, ne permet pas d’analyser les relations de cause à effet entre l’asthme et le déficit en vitamine D. Ces résultats ne sont pas isolés puisque 86 % des asthmatiques Afro- Américains ont un déficit en vitamine D contre 19 % chez les témoins. Au Costa Rica, 26 % d’une cohorte d’enfants asthmatiques avait un déficit en vitamine D. Aux États-Unis, 35 % des enfants sont également déficitaires en vitamine D, et ce déficit serait un facteur de risque d’asthme aigu grave. Cette association pourrait être liée, en partie, à la plus grande vulnérabilité aux infections des enfants ayant un déficit en vitamine D. Il est également logique d’invoquer le rôle du style de vie « westernisé » qui fait passer plus de temps à l’intérieur des maisons et moins de temps au grand air et à l’exposition solaire. Cette évolution affecte beaucoup plus les enfants à peau non blanche. Ainsi, 40 % et plus de populations à peau foncée auraient des taux insuffisants de 25(OH)D, inférieurs à 30 ng/ml. Si la relation asthme et déficit en vitamine D était binaire, on devrait s’attendre à ce que la normalisation des taux sériques de vitamine D améliore l’asthme mais, pour l’instant, les résultats dont on dispose ne vont pas dans ce sens ! C’est en tout cas un dossier à suivre, fort intéressant.