La quasi-totalité des conséquences graves liées au Covid-19
sont d’ordre respiratoire. L’étude de la première grande série de
patients hospitalisés à Wuhan (n = 138), a révélé que l’infection
s’accompagnait, à l’imagerie, d’opacifications bilatérales en verre
dépoli avec ou sans condensation et avec une forte prédilection
pour le lobe inférieur. Vingt-six pour cent des patients avaient
été admis en service de réanimation dont 22 (61 %) pour SDRA
(syndrome de détresse respiratoire aiguë). SDRA dont la genèse
n’est que partiellement élucidée : orage cytokinique, toxicité
pulmonaire médicamenteuse, baro-traumatismes et lésions par
l’hyperoxie induites par la ventilation mécanique…
Bien qu’à ce jour, environ 1 à 2 millions de personnes soient
considérées comme guéries de la Covid-19, la crainte est l’atteinte
à long terme de certains organes, notamment les poumons.
L’expérience des coronavirus précédents
Qu’en a-t-il été aves les autres coronavirus, à savoir le
coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV) et le
coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) qui
provoquaient des syndromes pulmonaires similaires à ceux observés
dans la Covid-19 ?
À la fin de l’épidémie de SRAS en juin 2003, 8 422 personnes
avaient été atteintes dont 916 étaient décédées. Les anomalies TDM
prédominantes chez les patients atteints du SRAS, comprenaient des
opacifications en verre dépoli rapidement progressives, parfois
avec condensation. Les changements réticulaires étaient évidents
environ 2 semaines après l’apparition des symptômes et persistaient
chez la moitié des patients au-delà de 4 semaines. Toutefois, une
étude de suivi pendant 15 ans portant sur 71 patients atteints du
SRAS a montré que les anomalies interstitielles et l’atteinte
fonctionnelle respiratoire avaient récupéré au cours des deux
premières années suivant l’infection puis s’étaient stabilisées,
mais qu’au bout de 15 ans, 4,6 % (SD 6,4 %) des poumons
présentaient encore une anomalie interstitielle.
Le MERS-CoV, identifié pour la première fois en avril 2012, a
infecté 2 519 personnes dans le monde à ce jour, dont 866 en sont
décédées. Les anomalies TDM typiques comprenaient des
opacifications bilatérales en verre dépoli, principalement dans les
zones pulmonaires basales et périphériques. Les résultats du suivi
sont moins bien décrits chez ces patients. Dans une étude portant
sur 36 patients guéris, les radiographies pulmonaires prises en
moyenne 43 (fourchette de 32 à 320) jours après la sortie de
l’hôpital ont montré une fibrose pulmonaire chez environ un tiers
des patients. Il n’y a pas eu de suivi à plus long terme. Dommage
!
De la genèse de la fibrose pulmonaire
La fibrose pulmonaire survient soit à la suite d’une inflammation
chronique, soit comme un processus fibroprolifératif primaire,
génétiquement influencé et lié à l’âge, comme dans la fibrose
pulmonaire idiopathique (FPI). La fibrose pulmonaire est une
séquelle reconnue du SDRA. Cependant, la plupart des études de
suivi – EFR et TDM thoracique – ont montré que les anomalies
radiographiques persistantes après un SDRA ont peu de pertinence
clinique et sont devenues moins fréquentes à l’époque de la
ventilation pulmonaire protectrice.
Or, environ 40 % des patients atteints de la Covid-19 développent
un SDRA, et 20 % des SDRA sont graves. Il est à noter que l’âge
moyen des patients hospitalisés pour une Covid-19 grave semble être
plus élevé que celui des patients atteints de MERS ou de SARS, ce
qui est peut-être une conséquence de la propagation plus forte de
la maladie dans la communauté. Or, les pathologies pulmonaires
inflammatoires, telles qu’associées aux maladies auto-immunes, et
l’âge avancé, constituent un facteur de risque de survenue de la
fibrose pulmonaire.
Des lendemains respiratoires qui risquent de
siffler
Le fardeau de la fibrose pulmonaire après guérison de la
Covid-19 pourrait donc être considérable. La fibrose interstitielle
progressive et irréversible qui se caractérise par un déclin de la
fonction respiratoire, une aggravation progressive de la
symptomatologie, de l’étendue de la fibrose au scanner, de la
qualité de vie, et une mortalité précoce, se rencontre à des degrés
de fréquence variables, dans un certain nombre d’affections,
notamment la FPI, la pneumonie d’hypersensibilité, les maladies
auto-immunes et la pneumopathie interstitielle d’origine
médicamenteuse.
En outre, même un degré relativement faible de fibrose résiduelle
mais non progressive pourrait entraîner une morbidité et une
mortalité considérables au sein d’une population plus âgée de
patients ayant eu la Covid-19, dont beaucoup présentaient des
affections pulmonaires préexistantes.
Vers une deuxième vague de mortalité très tardive associée à
l’insuffisance respiratoire ?
Pure spéculation, direz-vous. Néanmoins, étant donné le nombre
considérable de personnes touchées par la Covid-19, même les
complications rares auront des effets majeurs sur la santé au
niveau de la population, qu’il est important d’anticiper dès
maintenant pour déterminer rapidement si la fibrose pulmonaire se
développe dans la population des survivants.
Article paru sur OPA pratique en date du 27/05/2020 . Commentaire du Dr Bernard-Alex Gaüzère
Référence
Spagnolo P, Balestro E, Aliberti S, et coll. : Pulmonary fibrosis
secondary to COVID-19: a call to arms? Lancet Respir Med. 2020;
publication avancée en ligne le 15 mai. S2213-2600(20)30222-8.
doi:10.1016/S2213-2600(20)30222-8
Une équipe pékinoise (1) propose un outil d’évaluation du risque de progression de la pneumonie due à SARS-CoV-2. Il s’agit d’un score élaboré à partir de l’analyse rétrospective de 208 patients COVID-19 consécutifs admis dans deux centres hospitaliers sur une période d’un mois (20 janvier-22 février).
Les
patients sévères ont été exclus de l’étude. Au terme de leur étude, les
auteurs ont retenu quatre paramètres cliniques pour définir leur score
dit CALL : les comorbidités (diabète, maladie cardiovasculaire, maladie
hépatique, asthme, BPCO, infection à VIH, cancer), l’âge des patients,
les taux de lymphocytes et d’HDL.
Les patients à faible risque de progression sont ceux qui ont un score de 4 à 6 (tableau). Selon les auteurs, ils pourraient être pris en charge en toute sécurité dans des hôpitaux périphériques ou de districts du pays, y compris les plus de 60 ans, mais ne présentant pas de comorbidité. Un score égal ou supérieur à 7 justifie un transfert rapide dans un centre tertiaire. Ce peut être le cas de patients de moins de 60 ans sans comorbidité, mais avec un taux de HDL très élevé et une lymphopénie sévère.
Calcul du score CALL
1- Prediction for Progression Risk in Patients with COVID-19 Pneumonia: the CALL Score Dong Ji, and al. Clinical Infectious Diseases, ciaa414, https://doi.org/10.1093/cid/ciaa414
Commentaire de C.F., paru sur OPA Pratique du 14 Avril 2020
Aujourd’hui,
le scanner thoracique est le seul examen d’imagerie présentant un
intérêt chez les patients atteints de COVID-19. Comme l’ont constaté
plusieurs équipes, il existe une bonne corrélation entre les anomalies
scannographiques et la sévérité de la maladie(1,2).
L’analyse
des données radiologiques de 81 patients chinois a montré que des
anomalies au scanner peuvent être présentes même chez les patients
asymptomatiques, avec une évolution rapide des lésions vers des opacités
focales diffuses en verre dépoli ou une consolidation en 1 à 3 semaines
après le début des symptômes(1). Cette étude conclut que
l’association de l’imagerie et des données cliniques et de laboratoire
pourrait faciliter le diagnostic précoce de la pneumonie due à la
COVID-19. Une hypothèse à confirmer.
Deux éléments défavorables à l’utilisation du scanner pour le
dépistage ou le diagnostic précoce de l’infection à SARS-CoV-2 sont
actuellement invoqués(3). D’une part, l’absence de données
sur sa spécificité et sa sensibilité dans ces indications. D’autre part,
l’éventualité d’un rapport bénéfice/risque disproportionné en cas de
réalisation de l’examen à grande échelle. À noter par ailleurs que la
concordance entre les données scannographiques et la RT-PCR* (le gold
standard pour le diagnostic de cette infection) reste à déterminer(3).
Dans ce contexte, selon la Société Française de Radiologie, il n’y a
actuellement pas d’indication à réaliser un scanner thoracique à des
fins de dépistage chez des patients sans signes de gravité et sans
comorbidités(4). Un scanner sans injections en coupes fines
est indiqué dans les cas de suspicion ou une confirmation du diagnostic
avec des signes de gravité clinique initiaux ou secondaires justifiant
une prise en charge hospitalière. La réalisation de cet examen peut
aussi se concevoir chez des patients suspects avec comorbidités, soit en
attente des résultats de PCR, soit en première ligne s’il existe des
problèmes de délais et de disponibilité de PCR. Les patients en soins
intensifs/réanimation doivent bénéficier d’un scanner avec injection
dans les situations suivantes : aggravation avec évolution vers un
tableau de syndrome de détresse respiratoire aigu, ou développement d’un
pneumothorax sous ventilation ou apparition d’une complication
thromboembolique.
*Real time polymerase chaine reaction : réaction en chaîne par polymérase permettant de mesurer la quantité initiale d’ADN.
Article paru sur OPA Pratique du 31 Mars 2020. Commentaire de C. F.
Pour
Zhang H et coll. (Toronto), l’étendue de la surface offerte par
l’épithélium alvéolaire explique l’extrême susceptibilité pulmonaire aux
virus inhalés, ce qui ne doit pas occulter un paramètre biologique
important, l’expression des récepteurs ACE2 par cet épithélium.
Plus
de 80 % des cellules pulmonaires exprimant ces récepteurs sont des
cellules épithéliales alvéolaires de type II, qui pourraient servir de
réservoir à l’invasion virale. Ces mêmes cellules expriment des gènes
associés à l’ingénierie virale (cycle de vie, assemblage et réplication
du génome viral), ce qui suggère une facilitation de la réplication des
coronavirus au niveau des poumons.
Les récepteurs ACE2 sont également présents sur de nombreux tissus en
dehors des poumons (cœur, reins, endothélium et intestins). Les auteurs
développent plusieurs approches thérapeutiques potentielles :
– un vaccin dirigé pour la sous-unité spike 1 qui se fixe sur le récepteur ACE2 ;
– l’inhibition de la sérine protéase transmembranaire 2 (TMPRSS2) indispensable à l’amorçage de la protéine S (spike) ;
– le blocage du récepteur ACE2, par le biais d’anticorps ou de petites molécules ;
– l’apport de formes solubles d’ACE2 qui permettrait de neutraliser le
virus et de préserver l’activité ACE2 cellulaire qui régule le système
rénine angiotensine à la baisse avec un effet protecteur au niveau
pulmonaire. Cette modalité thérapeutique aurait un double effet :
ralentir la pénétration cellulaire des virus donc leur invasivité et
protéger les poumons.
La piste des récepteurs solubles a déjà fait la preuve de sa sécurité chez des volontaires sains et sur une petite cohorte de patients souffrant de détresse respiratoire aiguë. Un essai pilote est en cours chez des malades COVID-19.
Paru sur OPA Pratique le 10 Avril 2020. Commentaire de M.D.
Article original
Zhang H et al. Angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2) as a SRAS-CoV-2 receptor: molecular mechanisms and potential therapeutic target. Intensive Care Med 2020 ; 46 : 586-90. https://doi.org/10.1007/s00134-020-05985-9
Une équipe du MIT remet en question le modèle généralement admis de la contamination par gouttelettes.
En
1897, le bactériologiste allemand Carl Flügge montra pour la première
fois que des pathogènes sont présents dans des gouttelettes de l’air
expiré de patients infectés. Son modèle a été remanié dans les années 30
par William F. Wells qui travaillait sur la contagion tuberculeuse et
distingua deux types de gouttelettes : des grosses qui ont tendance à
tomber et à contaminer l’environnement du malade ; des petites qui
s’évaporent et s’assèchent en formant des aérosols lorsqu’elles passent
du milieu bronchique chaud et humide à l’air ambiant plus sec et plus
froid. Les recommandations de l’OMS et de la plupart des agences
sanitaires reposent encore sur cette dichotomie à laquelle ont été
attribuées des valeurs arbitraires allant de 5 à 10 µm.
Une équipe du MIT (Massachussets Institute of Technology, Cambridge) a réalisé des études en laboratoire qui montrent que l’expiration, l’éternuement ou la toux expulsent un nuage de gaz turbulent et multiphasique contenant un continuum de tailles de gouttelettes (voir le film en ligne*) » Nuage de gaz turbulent multiphase provenant d’un éternuement humain «
. L’air chaud et humide à l’intérieur de cette bouffée prolonge la pérennité des gouttelettes dont la durée de vie passe d’une fraction de seconde à quelques minutes (soit x par un facteur 1000). De plus, elles sont propulsées à une vitesse allant jusqu’à 10-30 m/s et peuvent ainsi parcourir une distance de 7 à 8 mètres. Tout au long de cette trajectoire, des gouttelettes sont expulsées du nuage et contaminent l’environnement. Une étude chinoise ayant rapporté la présence de SARS-CoV-2 dans les systèmes de ventilation hospitaliers semble confirmer les hypothèses développées ici, notamment en ce qui concerne la persistance du pathogène dans un air humide et chaud.
Les auteurs tirent deux conséquences majeures de leur travail : la distance de sécurité de 1 mètre que deux personnes doivent respecter pour ne pas se contaminer semble insuffisante (on relèvera d’ailleurs que le CDC d’Atlanta conseille pour sa part 2 mètres). Par ailleurs, dans le contexte actuel, l’utilisation des masques chirurgicaux devrait être élargi. Ils concluent en appelant à d’autres études sur la propagation et la dynamique de ces nuages turbulents. Rappelons par ailleurs qu’il s’agit d’une étude réalisée dans des conditions de laboratoire qui ne prend pas en compte des paramètres de « la vraie vie », notamment les vents et les turbulences de l’air ambiant en extérieur.
Publié sur OPA pratique du 31 Mars 2020 , commentaire G.L.
La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie chronique et incurable (hors transplantation pulmonaire) d’évolution imprévisible. Sa physiopathologie n’est pas encore totalement élucidée. Le score pronostique GAP (Gender – Age – Physiology) est validé et fournit des chiffres de mortalité à 1, 2 et 3 ans du diagnostic.
De
nombreuses complications peuvent survenir chez les patients atteints de
FPI : toux, excerbation aiguë de FPI, hypertension pulmonaire, RGO,
cancer bronchopulmonaire ou syndrome d’apnées du sommeil. La
connaissance de ces événements est importante, car elle permettra un
diagnostic rapide le cas échéant et une prise en charge optimisée.
Introduction
La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est la plus fréquente des
pneumopathies infiltrantes diffuses (PID) idiopathiques chroniques de
l’adulte(1). La FPI est une maladie rare, avec une prévalence
en France estimée à 9 000 cas et une incidence de l’ordre de 4 400
nouveaux cas par an. La FPI touche plus les hommes que les femmes (sex
ratio de 1,5 à 1,7/1) et sa survenue augmente avec l’âge, la FPI étant
rare avant 60 ans(2). Sa physiopathologie n’est pas
clairement élucidée, mais les principaux facteurs de risque sont
l’exposition à la fumée de cigarette et aux poussières de bois ou de
métal(3).
Histoire naturelle de la FPI et pronostic
La FPI est une maladie chronique, incurable (hors transplantation
pulmonaire), s’aggravant progressivement, de manière inéluctable, mais
de façon imprévisible (figure 1).
Figure 1. Evolution de la FPI(4).
Certains patients présentent en effet un déclin progressif et lent de
leur fonction respiratoire, alors que d’autres s’aggravent très
rapidement à l’occasion de « poussées » de la maladie appelées
exacerbations de FPI (cf. chapitre complications de la FPI).
Globalement, la médiane de survie des patients atteints de FPI serait de
3 ans après e diagnostic(4). Cependant, cette notion
mériterait d’être revue car ce chiffre est issu d’une étude
s’intéressant à des patients qui n’avaient pas bénéficié des traitements
anti-fibrosants spécifiques récemment mis sur le marché et utilisés
aujourd’hui en pratique courante. Les facteurs associés à une
augmentation de la mortalité liée à la FPI sont(5) :
– facteurs démographiques : âge, sexe masculin ;
– signes et symptômes initiaux : importance de la dyspnée, DLCO
(capacité de diffusion du CO) 5 % en valeur absolue ou 10 % de la
valeur théorique en 6 mois, diminution de la DLCO > 15 % en valeur
absolue ou théorique en 6 mois, diminution de la distance au TM6 > 50
m, aggravation de la fibrose sur le scanner thoracique.
Les paramètres fonctionnels respiratoires que sont la CVF et la DLCO,
associés à l’âge et au sexe du patient, composent le score pronostique
GAP, qui permet une estimation de la mortalité à 1, 2 et 3 ans (tableaux 1 et 2)(6). Le calculateur GAP est disponible en ligne (http://www.acponline.org/journals/annals/extras/gap/)(6).
Complications de la FPI
De nombreuses complications peuvent apparaître lors du suivi des patients atteints de FPI.
• La toux sèche invalidante peut motiver une
corticothérapie à faible dose en cas d’inefficacité de la codéine. Du
fait de la fréquence du tabagisme et de l’âge élevé des patients, les
comorbidités cardiovasculaires sont fréquentes.
• Des exacerbations aiguës (EA) de FPI sont également à craindre (figure 2). Chaque année, approximativement 10 à 20 % des patients atteints de FPI présentent une EAFPI(7).
Sa définition actuelle est une aggravation rapide de la dyspnée,
classiquement sur moins de 1 mois, avec l’apparition de nouvelles images
bilatérales en verre dépoli. L’EAFPI peut ne pas avoir de cause
retrouvée (elle est alors idiopathique), mais peut aussi survenir dans
un contexte particulier : infectieux ou post-infectieux,
thromboembolique (nécessité de réaliser un dosage de D-dimères et/ou un
angioscanner thoracique, figure 3) ou cardiaque (nécessité de doser les NT-proBNP et/ou réaliser une échocardio graphie)(8).
Le pronostic de ces EAFPI est excessivement sombre, avec une médiane de
survie de 3 à 4 mois. Des facteurs de risques d’EAFPI ont été
identifiés : une CVF et une DLCO basses, une faible distance parcourue
au test de marche de 6 minutes, une hypertension pulmonaire. Le
traitement actuellement proposé est une corticothérapie systémique à
forte dose. Un essai thérapeutique contre placebo est en cours (EXAFIP),
testant l’ajout du cyclophosphamide à la corticothérapie. Les
inclusions de cet essai ont été clôturées en juillet 2018.
Figure 2. Scanner
thoracique d’une patiente ayant présenté une exacerbation aiguë de FPI.
Colonne de gauche en vert, scanner thoracique au diagnostic de FPI.
Colonne de droite en rouge, scanner thoracique au diagnostic de
l’exacerbation aiguë de FPI avec l’apparition d’images bilatérales en
verre dépoli.
Figure 3. Angioscanner
thoracique d’un patient qui présentait une dyspnée rapidement
progressive sur 2 semaines sans facteur déclenchant retrouvé, évocateur
d’une EA FPI. Les coupes parenchymateuses retrouvent de nouvelles images
en verre dépoli aux deux bases. Cependant, cet examen met en évidence
une embolie pulmonaire (EP) proximale multifocale. Il est donc bien
indispensable d’éliminer l’EP devant toute suspicion d’EA FPI.
• L’hypertension pulmonaire (HTP) peut être
secondaire à la FPI, surtout en cas d’emphysème associé, mais doit faire
éliminer une embolie pulmonaire, une insuffisance cardiaque gauche et
un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). Le traitement
principal consiste en la supplémentation en oxygène lorsque la PAO2 est
inférieure à 60 mmHg. Les traitements vasodilatateurs artériels
spécifiques de l’HTP ne sont pas indiqués, sauf dans le cadre d’essais
thérapeutiques spécifiques(5,7). La transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaire doit être envisagée selon l’âge et les comorbidités(5).
• Le reflux gastro-œsophagien (RGO), avec ou sans hernie hiatale (figure 4)
est fréquemment associé à la FPI. Selon les recommandations françaises,
il est proposé de rechercher à l’interrogatoire un antécédent ou des
symptômes de RGO chez les patients avec un diagnostic confirmé de FPI.
Lorsqu’il existe une suspicion de RGO, il est proposé de l’explorer et
de le traiter(5).
• Le cancer bronchopulmonaire (CBP)(figure 5), fréquent dans cette population notamment en cas d’emphysème associé(9),
pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques du fait de la FPI
sous-jacente. Les cancers épidermoïdes seraient plus fréquents que les
adénocarcinomes. Dans une récente étude rétrospective de cohorte, la
prévalence du CBP histologiquement prouvé chez les patients atteints de
FPI était de 13 % et l’incidence cumulée atteignait 41 % à 1 an et 82 % à
3 ans(10). Les données disponibles ne permettent pas de recommander une prise en charge spécifique du CBP au cours de la FPI(5).
Une des difficultés est représentée par le risque d’EAFPI lors des
traitements du cancer (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie).
Figure 4. Scanner thoracique d’un patient avec FPI et hernie hiatale souffrant de RGO.
Figure 5. Scanner
thoracique d’un patient atteint d’un syndrome combinant emphysème des
sommets et fibrose des bases (FPI) qui présente un cancer
bonchopulmonaire secondairement prouvé histologiquement par ponction
sous scanner. La flèche bleue correspond à la masse lobaire inférieure
droite, la flèche rouge à l’adénopathie sous carinaire.
• Il semble que le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) ait
une fréquence élevée chez les patients atteints de FPI.
L’interrogatoire est moins sensible que la polysomnographie pour établir
le diagnostic(5). Il n’existe pas de données permettant de
formuler une recommandation relative au traitement du SAOS chez les
patients atteints de FPI. Le traitement par pression positive continue
semble efficace et pourrait améliorer la qualité de vie des patients.
Des complications cardiovasculaires peuvent également survenir chez ces patients très souvent fumeurs ou anciens fumeurs.
Enfin, il ne s’agit pas d’une complication, mais il faut savoir répéter
le bilan auto-immun et savoir reconsidérer le diagnostic de FPI en cas
d’évolution de la symptomatologie. Par exemple, chez un patient avec
atteinte pulmonaire à type de PIC, l’apparition secondaire de
polyarthralgies inflammatoires et destructrices avec positivité
secondaire des facteurs rhumatoïdes et/ou anti-CCP amènera au diagnostic
de polyarthrite rhumatoïde, et le développement secondaire d’un purpura
et d’une glomérulopathie avec positivité secondaire des ANCA anti-MPO
posera le diagnostic de polyangéite microscopique.
En pratique : suivi d’un patient atteint de FPI
Les recommandations françaises proposent la réalisation d’une
radiographie thoracique et d’épreuves fonctionnelles respiratoires, afin
d’évaluer la CVF et la DLCO, tous les 3 à 6 mois(5).
D’autres examens de réalisation annuelle sont à discuter :
– scanner thoracique, avec ou sans injection de produit de contraste en
fonction de l’indication, avec une attention particulière à la recherche
de cancers, notamment chez les patients en capacité de recevoir un
traitement (i.e. formes légères de FPI) ;
– échographie cardiaque avec Doppler ;
– capacité pulmonaire totale ;
– TM6 ;
– voire cathétérisme cardiaque droit, si la présence d’une HTP peut conduire à des thérapeutiques intéressantes.
En parallèle, d’autres examens peuvent être réalisés en fonction de
l’évolution clinique, notamment la répétition du bilan auto-immun ou la
polygraphie nocturne.
Synthèse
La fibrose pulmonaire idiopathique est une maladie rare,
incurable et de mauvais pronostic, dont la physiopathologie n’est pas
complètement élucidée à l’heure actuelle. L’âge, le sexe masculin, des
symptômes importants lors du bilan initial ou du suivi, des paramètres
fonctionnels ou scanographiques altérés sont autant de facteurs de
risque de mortalité, cette dernière pouvant être estimée avec le score
GAP. Les complications à rechercher au cours du suivi sont le cancer
bronchopulmonaire, l’HTP, le RGO et le SAOS, mais également les
événements liés au terrain, comme les complications cardiovasculaires.
Chez les patients atteints de PIC radiologique et/ou histologique et
classés « FPI », la recherche de maladie systémique doit être
systématique et répété lors du suivi, afin de ne pas méconnaitre une PID
associée à une connectivite ou vascularite, dont le pronostic est
meilleur que celui de la FPI.
Auteur de l’article : Mallorie KERJOUAN et coll.*, service de pneumologie, Centre de compétences pour les maladies pulmonaires rares, Hôpital Pontchaillou, Rennes 1. IRSET UMR 1085, Université de Rennes1, Rennes, France
Article publié sur OPA-PRATIQUE en date du 27/05/2019
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Références
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Un jeune homme âgé de 18 ans est mort en Belgique des suites d’une insuffisance respiratoire attribuée par les autorités belges au vapotage et à un mélange de produits nocifs dans une cigarette électronique. Il s’agit du premier cas d’EVALI (e-cigarette, or vaping, product use associated lung injury ou pneumopathie associée à la cigarette électronique) dans ce pays.
« Le lien avec la cigarette électronique est établi. Il n’y a chez ce patient Lire la suite
Etats-Unis — Fin août, les Etats-Unis annonçaient 2 décès et 250 cas suspects de maladies pulmonaire graves chez des utilisateurs de cigarette électronique dans 25 Etats. Mi-septembre, le nombre de décès confirmés liés à cet étrange syndrome est désormais de six alors que 450 cas sont actuellement en cours d’investigation dans 33 états, selon les autorités américaines.
Que sait-on précisément aujourd’hui sur ces maladies pulmonaires graves dont le dénominateur commun est le vapotage ? Lire la suite